Revenir à l’essentiel. Cuisiner pour créer du lien social. Echanger des conseils, des recettes pour mieux se nourrir et éviter le gaspillage. Tels sont les objectifs des ateliers-cuisine de la Banque Alimentaire de Bordeaux.
A l’origine du projet il y a Herman Mostermans président de la Banque Alimentaire de Bordeaux de 2002 à 2005. Il est le premier à avoir l’idée d’offrir aux bénéficiaires de l’aide alimentaire des ateliers-cuisine via une structure itinérante. Il souhaite réapprendre aux plus démunis à cuisiner les légumes, les produits frais offerts dans les colis de l’aide alimentaire. Dès 2005 un camion est équipé en cuisine mobile et va à la rencontre des publics isolés. Céline Montezin, conseillère économique et familiale rejoint la Banque Alimentaire au démarrage de l’opération. Elle va donner vie au projet et faire connaître les ateliers aux associations partenaires. Sa mission était de former les gens aux gestes simples de la préparation des repas, leur apprendre à composer des menus avec les produits frais distribués par la banque. Céline comprend rapidement que nombre de bénéficiaires vivent très isolés. Elle se donnera donc un double objectif : apprendre les bases d’un bon équilibre alimentaire mais aussi tisser des liens et inclure l’aide alimentaire dans un processus plus large de réinsertion sociale. La cuisine mobile fonctionne si bien qu’il est décidé de lui donner une petite sœur. Lors de la construction de la cuisine solidaire en 2012-2013 il est prévu un espace qui offrirait dans les locaux même de la Banque Alimentaire, boulevard Alfred Daney, des ateliers cuisine répondants aux même cahier des charges que la cuisine itinérante : lutter contre la malnutrition, le gaspillage alimentaire et aider à la réinsertion de publics fragiles.
Les ateliers – cuisine ont débuté en mars 2013. Chaque jour de la semaine Céline reçoit entre six et huit personnes inscrites par une association, un centre d’action social du département. Ensemble ils vont construire un repas équilibré, le cuisiner et le partager.
Pour mieux comprendre, retour sur l’Atelier du 8 janvier 2015.
Ce jeudi, ils sont six jeunes de 19 à 25 ans à participer au programme. L’atelier est un proposé dans le cadre d’un accompagnement vers un projet professionnel ou un retour à l’emploi.
Au menu ce jour là.
- Arrivée à 9h 30
- Prise de contact avec Céline. Petit briefing sur la banque Alimentaire et les ateliers-cuisine
- Pause café en compagnie de l’ensemble du personnel salarié et bénévole de la Banque
- Le Marché sur l’espace de distribution : l’équipe choisit les produits & élabore un menu
- Cuisine des trois plats : salade de riz en entrée, aiguillettes de canard & purée de topinambour en plat et moelleux au chocolat en dessert.
- Repas en commun dans la salle à manger de la cuisine solidaire
- Vaisselle & rangement
- Aux Revoirs
Les jeunes accueillis ne sont pas vraiment en situation d’exclusion mais ils ont tous peu d’expérience dans la préparation de repas équilibrés. Avec beaucoup de tact, Céline va les intéresser au programme et obtenir leur pleine coopération.
Allez Hop c’est parti, on commence par se rendre sur la place de marché, un espace ouvert aux associations partenaires de la Banque Alimentaire, la partie de l’entrepôt ou sont installés en libre service les fruits et légumes à redistribuer aux bénéficiaires de l’aide alimentaire.
Céline guide les jeunes entre les allées. On rigole, on se bouscule un peu en soupesant ces légumes bizarres. Betty s’arrête sur les topinambours, elle connaît ce légume ancien dont on fait des purées au goût d’artichaut. Les copines se marrent, légume pour la guerre. Non non c’est très bon.
C’est ok pour tout le monde, on fera une purée de topinambour & pomme de terre. Dans le frigo à viande, les garçons ont choisi des aiguillettes de canard. Pour l’entrée l’idée d’une salade de riz est adoptée. Pour terminer un fondant au chocolat, presque une évidence.
L’équipe repart à la cuisine. Céline dispense les premiers gestes simples : les conseils d’hygiène comme se laver les mains, mettre un tablier. Elle décrit la cuisine, les postes de travail, le contenu des placards & tiroirs. Puis elle conseille de former des équipes de deux pour réaliser chaque partie du repas. Encore un peu de rires embarrassés et les six se décident, s’organisent. Léa et Betty feront la purée de topinambour, Alexis & Nicolas la salade de riz et les aiguillettes. Lysiane et Mélissa se chargent du fondant au chocolat accompagné de sa crème anglaise.
Très vite Léa et Betty trouvent leurs marques, elles se mettent à la pluche rapidement. Les garçons hésitent un peu, nous laissent dubitatives quand ils lavent le thon en boîte mais bon ils se lancent. Pendant ce temps Lysiane, notre future hôtesse de l’air, se dispute gentiment avec Mélissa la future agent de sécurité. Elles cherchent la meilleure recette pour la crème anglaise. On se croirait dans un jeu de téléréalité ; allo Mamie, je suis à la banque alimentaire. La crème anglaise : on fait comment ? Ca c’est Lysiane. Pendant ce temps Mélissa surfe sur son portable à la recherche des recettes de marmiton.org, sa référence en matière de cuisine. Et puis tout ce débloque, elles s’y mettent enfin. Le gâteau, la crème c’est parti.
Céline suit l’avancement des travaux avec beaucoup de philosophie. Elle observe, encourage, donne conseils. Tu fais comme çà, ah oui. Moi, pour la vinaigrette, je commence plutôt par mettre le sel …. Tout ce fait en douceur elle n’impose rien.
Deux heures plus tard, on est bien. La purée est prête, la viande pré-cuite. Le moelleux en place dans les moules individuels attend pour passer au four.
Les filles ont faim, elles s’activent pour mettre le couvert. On passe à table et on échange comme des copains de longue date sur la cuisine bien sûr mais aussi sur l’actualité. On parle aussi de ceux qui ne sont pas venus, ils vont regretter. On peut dire mission réussie pour Céline, les jeunes sont contents, la cohésion du groupe se trouve renforcée et pour un jour au moins ils auront oublié la boîte de ravioli.
On range, on lave et on se quitte Merci Céline.