Univers, Surprise, Sans-souci et Vigor : les chevaux, stars des vendanges à Pontet-Canet

Château Pontet-Canet, le 29 septembre, second jour des vendanges. Dans la cour arrière du château résonnent des bruits singuliers : cliquetis des mors, raclements des sabots et surtout les voix des meneurs fermes et caressantes. Trois attelages sont préparés pour le transport des raisins. Ici le cheval travaille, il n’a pas vocation à promener les touristes ni à faire le beau au pré pour amuser les journalistes. C’est un vaillant, un athlète, capable de tirer trois fois son poids.

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A Pontet-Canet, le cheval a fait son retour en 2008 comme un acteur essentiel de la conversion en bio du domaine. Convaincu de la dangerosité des pesticides de synthèse, Jean-Michel Comme, le directeur du domaine, a repensé les méthodes de culture de la vigne, suivant les prescriptions de Steiner, l’inventeur de la biodynamie. Les sols, les vignes sont soignés en suivant le calendrier lunaire à l’aide de préparations homéopathiques dont la célèbre 501 à base de bouse de vache fermentée. Ces préparations sont faites à partir de fumier produit sur la propriété par le troupeau de trois vaches et un taureau du domaine. La démarche ne relève pas du folklore mais de la philosophie de la biodynamie qui encourage la recherche d’autosuffisance et la fabrication sur site des nutriments nécessaires à la culture.

Parallèlement à l’arrêt des pesticides, le directeur a cherché une alternative à l’utilisation du tracteur qui fragilise les ceps et tasse exagérément les sols. La solution du cheval de trait s’est imposée lorsque la distance de la parcelle travaillée le permet. Aujourd’hui, les six traits Bretons et les deux percherons participent aux divers travaux de labourage, de désherbage, de pulvérisation et tout naturellement aux vendanges. Ils interviennent sur la moitié du domaine à raison d’environ trois heures par jour, un peu plus en période de vendange. L’abandon du tracteur s’est fait progressivement, le temps de former les duos meneur-cheval et de retrouver les gestes oubliés avec la mécanisation.

Ce matin, nous partons donc avec Robert Cédric, le responsable des chevaux, vers une parcelle de Merlot proche du Château. Sans connaître l’emplacement des parcelles, chacun repère facilement les vignes de Pontet-Canet identifiable aux ponts ou entrelacement des branches terminales de la plante. Cette technique imaginée par Jean-Michel Comme permet de limiter le nombre de tailles d’une plante qui telle une liane pousse sans fin. Le pont contrarie la pousse et donnent une jolie forme de cœur à certains plants.

Départ pour la Vigne

Départ pour la Vigne

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Autre Spécificité de Pontet-Canet : les herbes folles. Il serait impossible d’arracher à la main l’herbe et les plantes qui sont revenues avec l’arrêt des pesticides chimiques. La nature reprend ses droits. On voit même ressurgir des espèces locales disparues des campagnes comme le poireau sauvage. La vigne offre un visage presque charmant, totalement différent de la rigueur stalinienne des propriétés voisines.

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Revenons à notre matinée, les vendangeurs nous attendent. L’équipe est composée en majorité de portugais, des habitués. Le groupe travaille sous la responsabilité de José qui distribue les taches et indique à chaque coupeur son rang. Les femmes et les hommes avancent rapidement, remplissent leur cagette et la chargent sur le dos du porteur, un pour quatre coupeurs. Le porteur prend en charge le raisin jusqu’à la charrette où Surprise patiente en attendant le top départ pour retourner à pleine charge au Chai porter les précieux grains. Ceux-ci sont aussitôt élevés par transpalette à hauteur du premier étage du bâtiment. La vendange y sera trié rapidement et stockée en cuve bois où béton. L’ensemble du procédé respecte le principe de la gravitation naturelle afin de préserver la qualité des raisins.

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José, responsable de l'équipe vendangeurs

José, responsable de l’équipe vendangeurs

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Nous pourrions penser que la présence du cheval ne change pas fondamentalement la vendange. Assise sur la carriole, aux côtés du meneur, je comprends qu’il en est tout autre. En premier, il y a la belle complicité entre l’homme et son cheval. A l’écurie, en phase de préparation, j’assiste à des séances de bisous et de câlins entre les duos. Plutôt sympa et apaisant pour commencer la journée._dsc8397

Ensuite, dans la vigne, en attente, le cheval anime et crée une atmosphère de travail plus chaleureuse, plus humaine.

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Lorsqu’il repart vers le chai, aucune fumée nauséabonde ni bruit mécanique. Nous traversons les chemins de terre aux sons d’une joyeuse cacophonie de clochettes, de bruits de sangles, de frottements d’essieu et de fers griffant le sol. Ambiance totalement inattendue, bucolique, presque irréelle.

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Le plus émouvant, ce sont les encouragements du meneur. L’homme parle à son cheval comme à une enfant qui fait ses premiers pas, son premier tout de vélo. Il utilise des petits mots courts, simples, un langage que le cheval comprend.

  • Allez ma belle, marche, allez.Vas-y. C’est bien. Continue. Trotte si cela te fait plaisir. Voilà doucement, allez, attention à la petite côte. Te fais pas avoir.

Génial ! Jamais entendu cela avant. Petite parenthèse de pur bonheur dans une journée. Last but not least l’attelage attire la sympathie des voisins. Les voitures se rangent sur son passage, saluent en souriant, habituées aux va et vient des chevaux.

Si le trajet de la vigne au Chai nous téléporte deux siècles en arrière, l’arrivée au Château nous ramène à la réalité, nous sommes bien en 2016. Travailler en biodynamie ne signifie pas l’exclusion des technologies modernes. Le matériel utilisé au chai en témoigne. Tant pis pour les roundupsupporters qui associent vin Bio et militant bobo-cool. Ici Jean-Michel Comme a réussi à concilier les exigences du monde de l’ultra-luxe, de l’excellence des Grands Crus Classés au respect de l’homme, du sol et du raisin.

Déchargement de la vendange au Chai

Déchargement de la vendange au Chai

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Pour trier la vendange, Pontet-Canet associe un matériel performant et l’irremplaçable contrôle humain. Le raisin est élevé vers la table de tri où s’affaire une équipe de quatorze personnes. En premier, les trieurs écartent les feuilles, les grappes abimées et autres débris. Le tapis roulant achemine les grappes vers l’érafloir qui sépare les baies du pédoncule, partie végétale dont les notes herbacées pourraient donner de l’amertume au vin. Les grains passent ensuite sur une table de tri vibrante ou un autre groupe de personnes retire les raisins non conformes et les minis résidus de rafle. En dernier le raisin est légèrement foulé avant d’être déversé une des 32 cuves béton situées à l’étage inférieur. La cuve remplie, les mouts, pourront commencer leur processus de macération. L’opération dure environ un mois avec des contrôles réguliers et des remontages deux fois par jour pour arroser le chapeau formé par les peaux en suspension.

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Premier tri pour écarter les grappes abimées et les feuilles

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Tri des baies manuel pour enlever les résidus de rafle et les vilains raisins.

Dans la vigne, la vendange continue environ une douzaine de jours. Les conditions climatiques sont excellentes, temps sec et ensoleillé dans le Médoc. D’une façon générale, 2016 a bénéficié d’une bonne météo : printemps humide certes mais un fort ensoleillement en août et septembre et quelques pluies bienvenues en fin de cycle. Le raisin est magnifique, charnu et sucré, plein de promesses. Patience tout de même, il faudra encore attendre deux ans avant de découvrir ce millésime qui s’annonce superbe.

L'élaboration d'un grand vin se fait en deux années. Ici le 2015 encore en chai de vieillissement. Dégustation réservée aux professionnels.

L’élaboration d’un grand vin se fait en deux années. Ici le 2015 encore en chai de vieillissement. Dégustation réservée aux professionnels.

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Pontet-Canet, quelques informations techniques

Source : www.pontet-canet.com/

  • Appellation : Pauillac
  • Superficie : 120 Hectares dont 81 en vignes
  • Géologie : Sol : graves du quaternaire
  • Cépages : Cabernet Sauvignon 62%, Merlot 32%, Cabernet Franc 4%,
  • Petit Verdot 2%
  • Age moyen des vignes : 40-45 ans
  • Mode de Culture : Certifié Biologique et Biodynamique
  • Densité de plantation : 9500 pieds par hectare
  • Engrais : Fumure composté (si nécessaire)
  • Taille : Guyot double médocaine
  • Vendanges : Manuelles, en cagettes
Pour marque-pages : Permaliens.

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