Comment apprendre à déguster le vin ?

Quelle méthode choisir pour booster ses connaissances en œnologie ?

Déguster, déguster et commenter, partager ses émotions. Ecouter les maîtres, entendre leurs remarques, noter leurs commentaires et enrichir son expérience de ces échanges. L’amateur doit se contenter d’une pratique occasionnelle entre amis ou en club. A Bordeaux, Le professionnel a la chance de pouvoir assister à des formations flash comme celle dispensée par WORLDSOM.

Le département sommellerie de l’école BEST, gérée par la CCI de Bordeaux, propose des cessions en deux jours avec Paolo BASSO, meilleur sommelier du monde 2013. Les participants, sommeliers ou directeurs de salle de restaurant sont invités à un tour du monde rythmé par la dégustation de trente vins.

Le programme des 2 et 3 décembre

Ce mardi, une douzaine d’élèves avaient pris place dans la luxueuse salle WORLDSOM, une ancienne bibliothèque, aujourd’hui classée, située dans les locaux de la CCI de Bordeaux, au 17 place de la Bourse.

La CCI de Bordeaux, site des formations

La CCI de Bordeaux, site des formations

A l’issue d’une courte présentation théorique, Paolo Basso invite les stagiaires à se replonger dans l’art de la dégustation à l’aveugle. Il leur demande de respecter une méthodologie très codifiée avec dans l’ordre une étude de la couleur, des arômes et des saveurs. Il rappelle les fondamentaux d’une dégustation professionnelle : comprendre un vin sans chercher une identification immédiate. Appréhender le flacon en sommelier, le praticien capable de proposer au consommateur un vin adapté aux mets choisis, l’épicurien gestionnaire qui va sublimer la cuisine du chef. Superbe programme !_DSC1069 _DSC1070 _DSC1842

Tout au long des deux journées de formation, les stagiaires ont mis en pratique ces recommandations. Pour chaque vin, les mêmes gestes ont été répétés. En premier, l’examen visuel pour apprécier l’intensité et les nuances des couleurs. Ensuite, l’examen olfactif dans l’objectif de déceler l’intensité et la qualité des arômes à la première impression, puis le développement du vin au contact de l’oxygène en fonction des cépages et du millésime. Enfin, l’examen gustatif qui révèle les piliers du vin : l’acidité, l’alcool et les tanins. Mais aussi la structure en bouche (partie souple et partie dure, harmonie) ou encore le potentiel de vieillissement.

Etape N°1 d'une dégustation: regard sur la couleur du vin

Etape N°1 d’une dégustation: regard sur la couleur du vin

Etape N°2 , analyse des senteurs

Etape N°2 , analyse des senteurs

Etape N°3, qualité gustative du vin

Etape N°3, qualité gustative du vin

La session, très intensive, a permis aux participants, tous passionnés et déjà bons connaisseurs de replonger au cœur de leur métier. Pour ceux qui veulent aller plus loin et qui disposent de temps, la formule coexiste au sein de l’école avec une formation classique plus longue : 350 heures de cours composés de six modules à valider séparément pour obtenir le WorldSom Magister- WSM. Les frais de scolarité sont de 12 500 euros, classique pour une école de commerce mais dans un budget ça peut piquer. Tu comprends mieux l’intérêt de la Master Class. Pour un coût très raisonnable de 850 euros les deux jours, tu as la chance de confronter ton savoir à celui des prestigieux membres du corps professoral de WORLSOM qui compte en son sein 4 Meilleurs Sommeliers du Monde : Gérard Basset, Paolo Basso, Serge Dubs, Philippe Faure-Brac. Last but not least, la formation peut être financée par ton entreprise dans le cadre de la formation continue. Alors on s’inscrit pour la prochaine cession ?

 

Lynch Bages : un terroir, des hommes et un savoir-faire

Si l’été invite à la farniente, il donne aussi le goût des balades hors de Bordeaux. Voici en partage un bel après-midi à la découverte de Château Lynch-Bages, un Pauillac, cinquième cru classé. Tu quittes Bordeaux par le Bouscat et Blanquefort et rejoins Pauillac par la D2, environ 50 mn de route. Réserve ta visite à l’avance, le nombre de places est limité malgré la présence d’une équipe de 4 personnes à l’accueil du domaine. Nous aurons la chance d’être accompagné par Charles Thuillier, responsable de l’hospitalité à la propriété, sa passion du vin et son passé de sommelier en font un formidable conteur de la vigne et du vin.

Lynch-Bages _DSC3653 (1)

 

La visite commence juste devant l’entrée sur l’emblématique parcelle Château plantée en Cabernet Sauvignon, le cépage dominant des Médoc. Le site domine Pauillac et la Gironde, on le nomme aussi Le plateau de Bages; si tu regardes à l’Est, tu aperçois le fleuve en contrebas, la promesse d’une régulation thermique, d’une douceur océanique : ici les hivers seront tempérés, le Médoc ne craint pas le gel. Au Nord, les rangs de vigne semblent disparaitre, nous sommes sur un coteau, l’ensoleillement sera optimal. Au sol, tes yeux remarquent les galets, la grave : la terre est pauvre mais bien drainée, une condition nécessaire à la bonne maturation du raisin. La vigne, plante robuste a besoin de souffrir pour donner le meilleur. Dernière observation, les ceps pareils à des bonsaïs cachent un corps noueux et torturé sous leur abondant feuillage. A l’épaisseur du tronc tu mesures l’ancienneté de la vigne, environ cinquante ans. Les grappes encore vertes sont chargées en raisins de petite taille. Le rapport peau/pulpe sera élevé, promesse d’un vin riche en arome.

lynch-bages

 

Pour mettre en valeur ce terroir prometteur mais difficile, il fallait des hommes d’exception. Lynch est le patronyme du propriétaire, entrepreneur à l’origine du réel essor du domaine. John Lynch, catholique d’origine irlandaise s’exile en France après la victoire des protestants de Guillaume d’Orange à la Boyne en 1690. Brillant négociant, Lynch achète la propriété de Bages en 1750; ses descendants agrandissent le domaine, modernisent les méthodes de vinification : égrappage, sélection du raisin et même un second vin apparaissent au début du XIX siècle. Les guerres Napoléoniennes et le blocus anglais viennent perturber le bel équilibre. Les Lynch se séparent du domaine qui changera encore plusieurs fois de main au gré des calamités agricoles (oïdium, mildiou ou phylloxera). La grande dépression de 1930, un cataclysme économique, redistribue les cartes dans le Médoc, Lynch change une nouvelle fois de capitaine. En 1933, Jean-Charles Cazes, prend le domaine en fermage et le rachète en 1938. Le bel essor de Lynch-Bages commencera dans les années soixante avec le retour à la croissance pour la France et le Médoc. Les Cazes sont restés, Jean-Charles, arrière petit-fils du fondateur de la dynastie préside actuellement aux destinées du domaine. C’est une famille cosmopolite, très représentative du Médoc : une région insulaire longtemps étouffée par l’immense pouvoir économique des bordelais. Les médocains ont lutté pour imposer leur vin et sont souvent aller chercher ailleurs un revenu que la terre ne voulait pas leur donner. L’exil économique en France ou à l’étranger ne dure jamais toute une vie et nombreux sont ceux qui reviennent au pays, enrichis par la vie ou ses leçons comme Jean-Michel Cazes, père de l’actuel gérant, ingénieur des mines et ancien d’IBM.

Grand-père récoltait le raisin à la main, les grappes éraflées sur une table appropriée étaient foulées au pied. Le jus recueilli dans des cuves de bois était travaillé de façon naturelle, la fermentation durait beaucoup plus longtemps qu’aujourd’hui et restait soumise aux caprices de la météo. On craignait la chaleur et le froid. Garder un cuvier à température constante relevait de l’exploit. Avec la technique, le risque de faire un mauvais vin disparaît. L’œnologie moderne a apporté La régularité dans les millésimes et fortement contribué à la starification des Médoc. Les méthodes de vinification actuelles, balbutiantes dans les années 70 ont trouvé leur mesure dans les années 80. Aujourd’hui de nombreuses opérations sont mécanisées et la fermentation en cuve inox à température contrôlée par ordinateur permet un process plus rapide et plus régulier.Diapositive3

Le goût pour l’innovation fait parti de l’ADN de la famille Cazes. Chaque génération œuvre à conserver une avance technologique tout en respectant et perpétuant les anciennes bonnes pratiques comme le contrôle du soutirage à la bougie. Ce qui a le moins changé, c’est l’élevage du vin : 18 mois en fût de chêne. Les barriques, neuves pour 75% d’entre elles, proviennent des ateliers de sept fournisseurs français exclusivement, je citerai Berger &Fils à Saint Estèphe ou Nadalié à Ludon Médoc. Tous ces artisans travaillent le chêne de la forêt de Troncey dans l’Allier, les bois sont exploités depuis Colbert qui connaissait déjà la gestion durable puisqu’il obligeait les exploitants à replanter à hauteur de leur coupe.

_DSC3774 (1) _DSC3783 _DSC3792

Dans le chai, les périodes de repos total alternent avec les opérations de soutirage et de collage: des manipulations nécessaires pour clarifier le vin et le débarrasser des lies résiduelles. Un long process de maturation qui conduit à commercialiser le vin trois ans après récolte. En 2015, le millésime 2012 arrive dans les rayons quand le 2013 vient tout juste d’être mis en bouteille. Tu imagines l’immobilisation de stock qui fait du vin un produit gourmand en capitaux.

Je termine la visite par l’ancien cuvier en bois, aujourd’hui musée et salle d’exposition. Gardien de la mémoire du Médoc, l’ouvrage de 1860 témoigne des méthodes de vinification du XIX. On remarquera l’ingéniosité des constructeurs de cette époque qui avaient équipé l’étage d’un réseau de rails servant de guide aux baquets utilisés dans la production. Une mini-chaine de montage avec un fouloir mobile capable d’être déplacé pour remplir chaque cuve et une cage de presse sur rail que l’on remplissait du mou pour ensuite faire un vin de presse.

_DSC3690 _DSC3753Diapositive2

Le vin

Restons modeste, je laisse le guide hachette 2014 décrire le millésime 2010

un vin couleur cerise noire qui s’ouvre sur des aromes de fruits noirs et de poivre. Le palais puissant, carré, plein de mâche, soutenu par une solide charpente tannique traduit la forte présence du cabernet-sauvignon … le boisé vanillé est très présent… ce vin laisse présager une grande garde et s’exprimera mieux avec le temps.

_DSC3812

Traduction en langage blonde. Le Lynch-Bages porte haut les couleurs de son terroir, un bonheur pour les amateurs de vins à grand caractère. Les Cazes n’ont pas cédé à la mode du prêt à consommer, ils font un vin pour les puristes, ceux qui savent attendre un minimum de dix années pour laisser au vin le temps d’exprimer toutes ses saveurs et sa complexité à la dégustation.

Où acheter ce sublime breuvage ? Chez les meilleurs cavistes bien sûr mais déjà à la propriété dans l’étonnant multi-marque du village Cazes-Bages: le Bages Bazar. Imagine un magasin de décoration à l’assortiment digne d’une boutique parisienne ou New-Yorkaise, l’esprit du Bon Marché au cœur d’un minuscule village entièrement restauré par la famille Cazes: amazing! Linge d’office, coutellerie de cuisine, un rayon doudou et linge de lit assorti d’une belle sélection d’ouvrages sur le Médoc, le vin et la gastronomie, et bien sûr un espace dédié au vin où tu trouves tous les crus appartenant à la famille Cazes. C’est juste incroyable, les globeshoppers et les passionnés de vin ne peuvent que craquer._DSC3821Diapositive5

Last but not least tu peux finir la journée en feu d’artifice à la table de Cordeillan-Bages. Attention, pense à réserver, la cuisine de Jean-Luc Rocha se mérite; elle attire des visiteurs du monde entier. Faute d’accéder à la table doublement étoilée, console-toi au café Lavinal au cœur de l’adorable village de Bages, un décor typique de brasserie à la française doté d’une jolie cave.Diapositive4