Proche du cœur historique de Saint Emilion (trois kilomètres du centre ville), Château Coutet occupe un point culminant du plateau de Saint Martin de Mazerat. Depuis l’origine de la propriété aux environs de 1601, les vignes n’ont jamais connu herbicide ou pesticide. La géographie du domaine permet de penser que les sols n’ont pas été souillés par les eaux de ruissellements des propriétés en agriculture conventionnelle qui l’entourent. Des analyses chimiques le prouvent, aucun résidu de pesticide dans les vins. Château Coutet est donc un domaine unique en Bordelais à visiter de toute urgence pour les amoureux des vins authentiques et sincères.
J’ai eu la chance de faire le tour du domaine en compagnie d’Adrien David Beaulieu, neveu de l’actuel gérant et viticulteur passionné. Voici mon retour d’expérience.
Avant de commencer la visite, un mot sur les prestigieux voisins de Château Coutet. Bellevue et Angélus au Sud, Beauséjour Bécot au nord Est, les plus grands noms de Saint Emilion encerclent la propriété. Nous sommes en bonne compagnie.
La proximité des stars ne semble pas troubler la famille David Beaulieu. Ils sont installés ici depuis 1600 et perpétuent leur mode de vie avec panache et modestie. Depuis toujours, ils vivent sur la propriété qui comprend une maison de maître, plusieurs habitations, des chais, 11,5 hectares de vignes mais aussi 4 hectares de bois, prairies et marigots. Les lieux semblent habités depuis toujours. Entre un curieux ouvrage romain et une chapelle consacrée par le pape en 1892, Dieu a aussi marqué le territoire. Aujourd’hui trois générations de David Beaulieu vivent au milieu d’un écosystème étonnant. C’est l’unique propriété que j’ai visitée accueillie par les croassements des grenouilles et que j’ai quittée chassée par une oie fâchée d’être paparazzée.
J’ai cependant eu le temps de marcher dans les vignes en compagnie d’Adrien David Beaulieu. Nous avons remonté le coteau pour parler terroir et travail de la vigne. (Ici je vous renvoie au site du domaine qui montre de façon très claire la disposition des parcelles). Nous avons mesuré la singularité de ce domaine où, ici et là, la vigne cède la place à un bosquet, une clairière abritant des ruches, quatre hectares laissés à la nature. Quand on connaît le prix des vignobles, on mesure le sacrifice financier de la famille Beaulieu en se privant d’un quart de sa surface.
Si on revient aux pratiques culturales, on peut dire en résumé que :
- Les sols et les vignes sont travaillés de façon traditionnelle en bio.
- Les entre-rangs sont enherbés huit mois par an.
- Les vendanges manuelles sont réalisées par une équipe de 50 personnes dans les vignes et de 12 employés dans les chais.
- Les raisins sont éraflés avant une mise en fermentation naturelle (sans levure ajoutée mais avec la technique du pied de cuve)
- Les mouts sont pressés en vertical pour une extraction douce moins chargée en tanin. Les jus s’écoulent par les côtés d’une cage en bois. Ils sont filtrés naturellement en traversant le marc. Le jus contient moins de bourbe et sa brillance sera naturelle.
- Le vin est élevé en barrique pendant dix-huit mois avec le moins d’intervention possible. Les vins ne sont pas filtrés.
Pour la cuvée Château Coutet, on est donc dans un process classique en démarche bio. L’exceptionnel existe pourtant dans ce domaine béni des Dieux avec une découverte qui risque de changer l’avenir de la famille David Beaulieu.
En 2000, Alain David Beaulieu, l’oncle d’Adrien met à jour une bouteille enterrée dans la cave aux vieux millésimes. Sa valeur historique est évidente : le précieux flacon est bouché à l’émeri, du verre soufflé à la main. Une aventure commence alors qui va de la datation de la bouteille à l’émergence d’un projet fou. Adrien David Beaulieu décide de produire une nouvelle cuvée dans les conditions de la bouteille originelle, datée aux environ de 1750.
Pour cela, il choisit la parcelle la plus haute, Peycocut, indiscutablement épargnée des ruissellements de ces voisins. Il y cultive le Cabernet Franc et le Merlot à queue rouge, une variété ancienne toujours greffée par la famille et obtenu par sélection massale. Pour cette cuvée spéciale Adrien utilise les moyens techniques anciens avec le retour du cheval dans les vignes. Après récolte, les grappes sont éraflées grains à grains à la main par 70 personnes pendant deux jours. Puis les raisins sont mis en fermentation en cuve bois. A l’issue, et une fois pressés, les jus sont élevés vingt mois en barriques neuves à hauteur de 50%.
On continue dans la reproduction du flacon témoin pour la mise en bouteille. La Cuvée Emeri est proposée dans une bouteille fabriquée à la main par monsieur Guillot, M.O.F.
Au final, on dispose d’un produit unique, une pépite pour collectionneur averti. Le premier millésime de la cuvée Emeri est sorti en 2014.
J’ai eu la chance de déguster Château Coutet 2015 et je le recommande pour son élégance et sa grande finesse. J’ai fait quelques provisions en attendant le 2017 qui sera aussi très joli. Cette année là, Château Coutet, épargné par le gel, a engrangé une très belle récolte. 2018, à l’inverse, sera une année à faible volume marquée par un mois de juin chaud et humide. Comme tous les viticulteurs en bio, le domaine a été frappé par une virulente attaque de mildiou sur les Merlot. La nature s’est montrée cruelle en montrant une nouvelle fois que le travail de la vigne demande passion et abnégation.
Aujourd’hui, le domaine commercialise le 2015, une excellente année en Bordelais. Alors n’hésitez pas à faire provision pour Noël et pour les années à venir. Il serait dommage de ne pas profiter de cette jolie pépite avant que les acheteurs du monde entier s’en emparent. J’ai eu écho de visites d’importance. Mais chuuut, je reste discrète sur les prestigieux acheteurs qui s’intéressent à ce vin d’exception.
Château Coutet
- Saint Emilion
- 05 57 74 43 21
- Visite sur Rendez-vous
- Certification bio en 2012
- 11,5 hectares de vignes
- Cépages : Merlot 70% Cabernet franc 30%, Malbec 7%, Cabernet-Sauvignon 3%
- Moyenne d’âge du vignoble 38 ans
- Densité de plantation 6 000 pieds/hectares
La cuvée Emeri
- Travail à la vigne : labour des sols au cheval de trait, traitement contre la maladie uniquement par pulvérisation de bouillie bordelaise effectuée au pulvérisateur à main
- Raisin récolté puis égrainé manuellement, foulé au pied
- Fermentation en cuve bois, presse verticale qui permet une faible extraction
- élevage 20 mois en barriques neuves à 50%
- Prix 70€ en bouteille traditionnelle sous le nom de cuvée Demoiselle et environ 300€ dans la bouteille façonnée à la main avec bouchon coeur en verre.