Entretien avec Rudy Ballin, restaurant Côté Rue à Bordeaux

Rudy Ballin a ouvert son restaurant gastronomique rue Paul Louis Lande en juin 2015. Dès les débuts, j’ai aimé l’esthétique des lieux atypiques et chargés d’histoire. J’ai aimé les assiettes et les saveurs de la cuisine. Admirative mais tellement surprise par la jeunesse du chef, 25 ans en 2017, j’ai cherché à comprendre d’où venait une telle maturité. Voici quelques réponses à notre insatiable curiosité. Merci Rudy pour ce bel échange autour de ta passion cuisine.

La cuisine et toi c’est une histoire qui débute comment ?

Je suis d’une génération télé-réalité. J’aimais déjà la cuisine. Les émissions de Cyril Lignac m’ont donné l’envie d’en faire mon métier. Je me suis renseigné sur les filières. Entre Ferrandi et Médéric, j’ai choisi le L’école hôtelière de Paris. J’ai commencé à 14 ans par un apprentissage au Bristol, Paris.

3 dates à retenir de ton parcours culinaire ?

  • 2006 Obtention de mon BEP cuisine à l’école Médéric, Paris. Je conclue deux années passionnantes de formation au Bristol avec le chef Eric Fréchon, un grand monsieur, M.O.F et alors deux étoiles au Michelin
  • 2012 Je suis nommé sous-chef à la Dame de Pic, le nouvel établissement Parisien de madame Pic. Je reste en poste jusqu’à la première étoile, un grand moment de bonheur.
  • 2015 En Juin, j’ouvre Côté Rue, un projet qui a muri entre Pierre-Damien Peurien et moi autour de ce lieu atypique.

 Pourquoi avoir choisi Bordeaux ?

J’ai été contacté par monsieur Robuchon pour l’ouverture de la Grande Maison. Je souhaitais quitter Paris, j’ai accepté le poste de sous-chef et l’énorme challenge de seconder un chef japonais complètement étranger à la gestion à la Française. J’ai eu sous ma responsabilité le management d’une équipe de 45 personnes.

Je ne regrette pas, j’aime Bordeaux, son énergie, la dynamique actuelle qui anime ici le monde de la gastronomie. J’apprécie la proximité avec l’océan et la montagne. Ma famille habite sur le bassin, c’est mon refuge.

 Tes influences, ta source d’inspiration ?

Madame Pic m’a transformé. Elle m’a accueilli à Valence avec beaucoup d’humanité et d’attention, mais aussi beaucoup d’exigences. Avec elle, je réapprends le métier. Elle me donne les moyens de progresser et d’être au niveau pour prendre le poste de second auquel elle me destinait. Je suis encore imprégné de sa cuisine florale. Comme elle, j’aime les goûts marqués. Je veux que l’on ressente le produit. Je n’hésite pas à aller dans la concentration.

 Ton mode de création ? De l’idée à l ‘assiette, quel cheminement ?

Je travaille sur le menu dans sa globalité. Nous le renouvelons entièrement chaque mois avec des produits de saisons. Je construis mes assiettes autour de trois textures : du fondant, du croquant et du cuit. Je déroule mon menu en utilisant différentes techniques : du fumé, du siphon, de l’émulsion … Ensuite je pars sur les idées du moment et ensemble, avec l’équipe nous testons, nous goûtons. Toutes les associations ne sont pas aussi évidentes que le sabayon au curcuma et la daurade. Naturellement mes recherches doivent intégrer les contraintes liées à notre espace de travail. La cuisine totalement ouverte ne permet pas les cuissons au sautoir. Les convives n’apprécieraient pas le mélange d’odeurs qui en résulterait.

 

Tes fournisseurs, tes bonnes adresses produits ?

Je travaille uniquement des produits frais. J’utilise essentiellement des produits régionaux, label rouge et bio dans certains cas. Cependant je ne me limite pas aux fournisseurs locaux. Je travaille les produits que j’aime sans m’interdire d’aller chercher le Fera du Léman ou le loup de méditerranée. Nous avons la chance en France d’avoir accès à un garde-manger d’une incomparable richesse. Pourquoi devrais-je m’en priver ?

 Quelle est ton idée de la cuisine, ton envie quand tu te mets aux fourneaux ?

J’ai une approche très traditionnelle de la cuisine. Je suis un adepte d’Escoffier. Pour moi, nous devons impérativement respecter les tailles, les cuissons. Toute cuisine doit être irréprochable. Je recherche l’excellence.

Côté Rue affiche complet tous les soirs, Tripadvisor te classe dans le top 5 des restaurants bordelais et tu restes toujours aussi concentré en cuisine. Inquiétude légitime de chef-propriétaire ou extraordinaire envie de tutoyer les étoiles ?

Tripadvisor reste un formidable outil marketing, il nous aide à remplir notre carnet de réservations. En même temps il augmente la pression journalière. Chaque client doit repartir totalement satisfait. Tout problème doit se régler dans l’instant. Cela crée une forte tension en coulisse. J’ai la chance d’avoir un restaurant complet tous les soirs mais je suis chef-propriétaire. Les services sont durs et je ne veux pas décevoir mes clients. Je dois assurer la régularité au quotidien, me montrer pédagogue avec mon équipe, trouver les mots, les motiver quand le découragement arrive. Un chef trop serein n’a pas conscience de ses défauts.

L’étoile, j’en rêve. J’ai vécu ces moments d’exceptionnelles émotions où elle arrive. J’ai vu madame Pic fondre en larme en cuisine pour la première de la Dame de Pic. Il y a une telle tension. C’est la finalité de beaucoup de souffrances et de pressions psychologiques.

 

Les qualités que tu préfères chez un chef ?

  • La modestie

 Tes produits doudou ?

  • Les épices, les baies sauvages, le genièvre, les baies de cannelier, les feuilles de combawa
  • Tous les cafés du monde.
  • Les fleurs, le jasmin, l’hibiscus, la violette, le mimosa.

 Le mimosa ?

Oui. J’en récolte en ce moment au Cap Ferret le dimanche. Je le fais sécher et le l’utiliserai en infusion le mois prochain.

 Ton plat signature ?

Difficile. Il y a eu le bœuf fumé au bois de hêtre, déclinaison de salsifis et blé noir.

Je ne peux pas encore parler de plat signature, d’identité culinaire. J’ai des origines italienne et marocaine, je viens de Paris. J’emprunte aux différentes cultures. Je suis encore dans le questionnement. Je vais avoir 25 ans en 2017, je ne pense pas avoir encore tout dit.

 Une adresse pour aller boire un verre ?

Nous finissons trop tard le soir pour aller boire un verre. Il me reste le dimanche. Je m’échappe sur le bassin à la cabane du Mimbeau par exemple.

 Ton actu, très projets ?

En 2017, nous gardons le rythme. Nous ouvrons une seconde adresse dans Bordeaux centre. Nous en reparlerons très vite. Parallèlement, Côté Rue sera entièrement restructuré. La cuisine descend au sous-sol dans un espace de 45m2. Mon équipe en salle est désormais complète (Simon Reyna et sa compagne Laurianne Brun viennent de nous rejoindre en salle). Je vais pouvoir me consacrer entièrement à ma cuisine et retrouver en espace fermé une totale liberté d’action. Je vais par exemple reprendre les cuissons au sautoir. La Salle à manger sera totalement rénovée avec l’aide d’un architecte Bordelais. Nous gardons l’idée d’un seul service avec trois temps de réservation entre 19h30 et 21h30. Nous travaillons sur le projet pour faire de Côté Rue un lieu unique, résolument gastronomique et contemporain. Je ne peux en dire plus aujourd’hui. Comme en cuisine, il faut créer la surprise.

Côté Rue

  • 05 56 49 06 49
    Menu 31 € le midi et 56 €le soir
    Du mardi au vendredi et samedi soir
    14, rue Paul Louis Lande, Bordeaux
    Adresse proche du musée d’Aquitaine
    Petite rue étroite, prévoir un stationnement en parking

 

 

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Un Commentaire

  1. R. Roger MONTOULIEU

    un bel article pour un bel endroit et sans doute un bon chef avec une belle personnalité…!

    merci !
    roger

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