Le Muscat de Beaumes de Venise, balade dans le terroir.

Beaumes de Venise, le nom sonne comme une caresse, promesse de douceur et de fête. Pourtant le petit territoire de 500 hectares ne ressemble en rien à la ville des amoureux, ni canal, ni palace dans ces paysages à la beauté sauvage. Ici la nature joue de l’extraordinaire. Nous sommes au pied du majestueux massif des Dentelles de Montmirail dans un pays montagneux où l’homme lutte pour produire un vin d’exception. Car la magie de la vigne veut que d’une terre rude naisse un breuvage délicat connu depuis longtemps pour être le meilleur des vins doux naturels français. Pour approcher au plus près de ce terroir singulier, nous sommes partis en balade dans les vignes avec Théo Xavier, un jeune vigneron membre de la coopérative Rhonéa. Théo a le Trias tatoué sur le cœur et la vigne dans le sang. Il a commencé son apprentissage tout gamin sur les pas de son grand-père. Son ainé lui a tout appris de la terre et du raisin. Un BTS passé en Bourgogne lui a permis de valider ses connaissances et d’améliorer son savoir.

Aujourd’hui il travaille avec son père sur le domaine familial de vingt et un hectares plantés essentiellement en muscat blanc à petits grains le seul autorisé dans L’AOP Muscat de Beaumes de Venise. Les vignes sont dispersées, aucune parcelle de dépasse un hectare. Il aimerait bien conduire la vigne en bio mais les réalités économiques l’empêchent de franchir le cap à court terme. Cependant, il faut modérer notre jugement sur cette démarche avant de jeter la pierre sur une pratique raisonnée de la culture conventionnelle. Ici le climat méditerranée, sec et venteux permet de limiter les traitements chimiques au strict nécessaire, trois passages au maximum par an. Nous ne sommes pas en terre de chimie lourde. Théo respecte trop sa terre pour la gaver de produits toxiques. Il nous en fait découvrir la singularité par un parcours initiatique à travers ces collines cultivés en terrasses.

Théo a l’amour de son pays chevillé au corps. Il veut partager sa passion et multiplie les arrêts pour mieux nous montrer la beauté de sa terre. Notre itinéraire commence à la Chapelle Notre Dame d’Aubune, merveille de l’art Roman provençal. Nous prenons le temps d’admirer la vue depuis le parvis avec le mélange très italien de la vigne et des oliviers, une constante dans l’appellation.

L’adorable Chapelle Notre dame d’Aubune

les fameuses grottes baumo en provençal qui ont donné leur nom au territoire

Nous continuons les yeux grands ouverts sur la beauté de notre environnement mélange de plateaux balayés par le vent, de coteaux et de combes. Théo s’attarde sur les différents sols, les terres blanches de Bel air, les terres grises des Farisiens et les terres ocres du trias. Il raconte la construction des murs de pierres sèches qui retiennent la terre. On  les appelle banquettes, restanque ou faysse. Ils sont montés sans mortier, uniquement en ajustant chaque élément à l’ensemble.

Mur de pierres sèches parfaitement ajustées

Théo nous confie aussi les difficultés à travailler cette terre qui parfois se montre rebelle. Les banquettes peuvent s’écrouler sous le poids des machines agricoles. Théo l’a vécu le jour où son tracteur s’est renversé en plein traitement. Heureusement, le destin avait mis en panne l’engin non protégé prévu pour le travail du jour. Il avait rééquipé un tracteur cabine. Celle-ci lui a sauvé la vie lors du renversement. La mort ne le voulait pas ce jour là.

Pour sortir vainqueur du corps à corps quotidien avec un environnement exigeant, les vignerons du Trias sont restés solidaires. Ici les hommes échangent des services, pratiquent l’entraide du sol en cas de coup du sort. Lorsqu’un viticulteur est brutalement décédé à la veille de vendanges, ses voisins se sont donnés le mot. Ils ont ramassé le raisin pour sa veuve. La force de la communauté prend toute sa valeur au moment de la vinification. Comme, nombres de ses collègues, Théo a choisi d’apporter son muscat à la coopérative locale. Il laisse à Thierry Sansot, œnologue, le soin de veiller les jus et de choisir le moment opportun pour procéder au mutage. Cet arrêt de la fermentation par ajout d’alcool vinique à 95% caractérise les vins doux naturels (naturel pour sans sucre ajouté, sans chaptalisation). A l’issu du processus de vinification, la terre rendra au vigneron un divin nectar. Le vin à la belle robe dorée présente un taux de sucre résiduel d’au moins 110 gr/litre. Son nez de fleurs blanches et de pêche-abricot en fait la star des desserts à base de fruits. Il se sert aussi à l’apéritif avec un foie gras et plus inattendu en compagnon d’un fromage bleu à pâte onctueuse. La balade se termine. il est temps de passer à la dégustation. Notre dernière halte sera pour la cave de la coopérative Rhonéa. Nous testons les VDN Beaumes de Venise mais aussi les vins rouges issus d’un assemblage à majorité de grenache et de syrah très caractéristique des Côtes du Rhône.