Déjeuner de janvier au Restaurant le Clos des Sens à Annecy
Ça grimpe sec au-dessus de la ville pour accéder au Clos des Sens. Le Chef Laurent Petit (qui a passé la main en 2022) a construit son microcosme en haut de coteau, au cœur d’un joli quartier bourgeois, un petit monde en quête d’autonomie avec son jardin d’herbes aromatiques, son potager et sa serre qui fournissent une partie des verdures de la carte. Au coeur du bâtiment, il a placé le restaurant entre la terrasse ombragée d’un monumental platane et la cuisine ouverte où s’affaire la brigade.
La décoration contemporaine annonce la cuisine, matières nobles, brutes, naturelles et de région dans une ambiance mocha mousse et bois brûlé.



Une fois installés face à la ville, nous sommes invités par le service à choisir entre deux menus à sept ou neuf temps. Ensuite, on se laisse faire. C’est parti pour deux heures d’un spectacle réglé comme une montre suisse : précision et professionnalisme.
Balade gastronomique entre lacs et montagnes
Dans nos assiettes, le chef Franck Derouet qui a repris l’affaire avec le sommelier Thomas Lorival propose une balade entre montagne et lac à la découverte des trésors locaux. Ici la nature se défini par ses lacs, généreux en poissons, brochet, féra où truite qui offrent au chef l’occasion de mettre en valeur sa région d’adoption. Notre déjeuner, menu surprise, va balayer l’ensemble des produits du moment : la pêche du jour en association avec les légumes d’hiver et les herbes fraîches de la serre.
Au Clos des Sens, haute gastronomie oblige, on commence par une trilogie d’amuse-bouche, trois propositions qui annoncent et résument la philosophie du lieu, du végétal, du lacustre et des produits modestes : feuille de sauge en tempura garnie d’un hachis d’herbes, échalotes confites dans sa feuille et croustillant de foie de fera.
En entrée, un peu de spectaculaire et de mise en scène autour du champignon de paris taillé en carpaccio et présenté sous forme de pyramide à déconstruire à l’aide d’une pince baguette. On y découvre en son cœur un baby champignon, une gelée de champignons et une compotée d’échalotes.



On continue avec la truite du Léman et sa poutargue de féra râpée on top comme un condiment corsé. On goutera aussi au brochet laqué, et son jus d’arrêtes grillées. Ce sera un menu tout poisson à l’exception d’un tartare de cerf et écrevisses du Léman.


Avant de passer au sucré, on se lâche sur le fromage, star de la région, avec ses spécialités comme le Reblochon, le Beaufort et diverses tommes présentés en majesté sur un chariot généreusement garni.
Au final, le dessert dans le goût du jour, original et peu sucré. On adore la tarte fine chicorée maison. Note herbeuse pour la gentiane et noisettes grillées en final.

Le déjeuner au Clos des Sens, trois étoiles sans paillette.
Une tisane d’herbes du jardin délicatement parfumée, un tour sur la terrasse et notre aventure s’achève. Ce fut une belle expérience et pourtant, elle nous laisse un goût d’inachevé. Que manque-t-il à cette cuisine pour pleinement contenter nos sens ? Déjà, je mentionnerais nos attentes élevées. Normal, on parle d’un trois étoiles Michelin, table d’excellence qui nous donne des envies de Glam, de Goût et de bonheur en bouche. Ensuite, notre référentiel, notre historique. Quand on a eu la chance de tester quelques adresses remarquables, on s’est construit un book d’images, de sensations, de ressentis et malheureusement pour les chefs, on compare, on étalonne et on classifie, tellement humain.
En 2025, une carte centrée sur le local ne saurait suffire à distinguer une table. Et que dire des recettes ? Celle qui fait le show, la plus remarquable, est une création de Laurent Petit datée de 2019 où même avant comme si le temps s’était arrêté avec le départ de celui qui a créé, fait vivre et briller le Clos des Sens. Dommage.
Soyons honnête, je balance ma critique d’un constat : le Clos des Sens qui revendique être le moins cher des trois étoiles ne nous a pas trop tapé au portefeuille. Alors, changeons de perspective et imaginons que le restaurant affiche deux étoiles. Notre déjeuner, la cuisine, le service et le cadre valent le voyage et nous laisseront de jolis souvenirs.
Du coup il nous est resté des soussous pour le lendemain. On s’est arrêté chez Mazette dans la vieille ville d’Annecy, une adresse de cuisine bistrotière qui s’invite parfois en Alsace le pays du chef. On a adoré les galettes de pomme de terre proposées en mise en bouche, le jarret de veau confit salsifis et sarrasin et la tourte de volaille des Ollières de Marie Jo. Recettes traditionnelles, sourcing local et ambiance sans chichi, le bonheur.