Le Gabriel, un restaurant étoilé entre modernité et tradition.

Le Gabriel selon Alexandre Baumard, une cuisine à l’équilibre entre modernité et tradition.

Avec sa façade monumentale et sa belle architecture classique, le Gabriel occupe une place toute particulière dans le paysage gastronomique bordelais. Adresse de prestige et restaurant multiple, il serait difficile de le raconter en une seule fois. Dans le blog, j’ai déjà évoqué la terrasse posée sur la Garonne, le bistro, le brunch buffet luxueux et gourmand. Il manquait la table étoilée que j’ai eu le plaisir de tester en juin. Voici mon regard sur l’Observatoire du Gabriel et la cuisine tout poisson du chef Alexandre Baumard.

Un décor contemporain dans un lieu chargé d’histoire

Impossible de parler du Gabriel sans évoquer le cadre prestigieux. L’adresse campe fièrement au centre de la place de la Bourse, merveille architecturale du XVIII, conçue à la gloire de Louis XV par l’architecte Jacques Gabriel. Les bâtiments organisés en demi-cercle font face à la Garonne offrant aux convives une perspective à 180° sur le fleuve, le miroir d’eau, le pont de Pierre et la caserne de la Benauge.

L’ensemble impressionne le visiteur mais l’animation du quotidien désacralise les lieux. La place a gardé son rôle central, elle bouge et vit au rythme des tramways qui s’arrêtent en son milieu. En arrière-plan sur les quais, le miroir d’eau inauguré en 2006 donne une note joyeuse et populaire à l’endroit. L’attraction est devenu l’incontournable terrain de jeu des touristes et des Bordelais. Nul ne résiste à l’irrépressible envie de jouer avec le site. On marche, on danse et on se rafraîchit au contact de l’eau et de la vapeur. Depuis la terrasse du Gabriel, on suit toute l’animation de la place, comme au théâtre.

La salle à manger de L’observatoire s’est elle aussi modernisée dans une ambiance de luxe accessible. les nouveaux propriétaires, la famille de Boüard, ont fait le choix de la sobriété pour décorer les restaurants dans une harmonie de beige.

La salle à manger du restaurant l’observatoire du Gabriel, Bordeaux

Le menu tout poisson du chef Alexandre Baumard

Une fois le décor posé, nous passons à table. Bien installé dans les sièges velours, nous prenons connaissance du menu tout poisson. Nous choisissons la version en six plats et c’est parti pour deux heures de plaisir gourmand accompagné d’un excellent bourgogne choisi dans la carte aux 700 références.

Dîner gastronomique oblige, on commence par les amuse-bouches qui donnent le ton de la soirée, un menu tout poisson. Elles sont présentées sur une vaisselle de céramique crée pour le restaurant par une artiste locale.

Pour suivre, quatre assiettes qui mettent en avant crustacés et poissons du moment, une ode à la richesse de la mer, ses produits nobles comme la langoustine mais aussi de plus modeste comme le couteau qui s’invite à la table étoilée dans une composition fantaisie rafraichissante de neige de persil.

Par crainte de vous lasser, je ne déroulerai pas le menu. Les photos d’illustration parlent d’elles-même. Je reviendrai simplement sur deux plats que tout pourrait opposer par l’origine des mets mais que le talent du chef rassemble dans une même proposition originale et savoureuse. Il s’agit d’un cannelloni de homard et d’un oignon rôti.

Le cannelloni de homard façon vitello tonato

Dans sa recette, le chef revisite un classique de la cuisine italienne, le tonato. Il retravaille la sauce originelle à base de thon et d’anchois en y ajoutant une bisque de crustacé enrichie de caviar d’Aquitaine. Les pinces de homard juste saisies sont cuisinées comme un tartare avec un assaisonnement d’huile de tête puis présentées en cannelloni. En salle, on l’arrose de la tonato crémeuse, un bonheur pour nos papilles câlinées par cette entrée iodée et gourmande.

L’oignon rôti aux parfums boisés d’anguille fumé.

Plat signature d’Alexandre Baumard, l’oignon rôti entier cache sous son apparente simplicité un met raffiné, parfumé et savoureux. Pour la composer, le chef a fait appel à ses souvenirs d’enfance. Il s’est rappelé les week-end en famille, les déjeuners interminables, les après-midi à jouer et les longues soirées qui finissaient au matin autour d’une soupe à l’oignon, la seule spécialité de son grand-père. Il a gardé la base l’oignon, a choisi une variété douce et gouteuse, l’oignon des cévennes et s’est amusé à multiplier les cuissons et les saveurs.

Il va utiliser le légume rôti longuement comme contenant, le garnir d’une compoté enrichie de dés d’anguille fumée, d’une purée crémeuse et on top quelques oignons rings en tempura.

Servi sur une assiette en céramique couleur charbon, le légume a fière allure. On en oublie sa modestie pour plonger avec délice dans le mélange onctueux, bien balancé en douceur et fumée. Une vrai merveille en bouche.

J’ai beaucoup aimé ces deux plats qui résument bien la cuisine du chef, un mélange de tradition et de modernité servi par une belle philosophie, l’envie de faire plaisir.

Et pour aller plus loin, je suis passé de l’autre côté du pass pour entendre la parole du chef

Entretien avec Alexandre Baumard.

Sophie Juby : La cuisine et toi c’est une histoire qui débute comment ?

Fils d’un entrepreneur en bâtiment, j’étais destiné à suivre ses traces. La vie en a décidé autrement, la cuisine s’est imposée à moi. Mon père, à côté de son métier très prenant, avait l’habitude de cuisiner pour nous pendant son temps libre. Il a fait de nos dimanches des moments de pur bonheur autour de recettes à partager. Il m’a donné la passion cuisine et l’envie de faire plaisir à mon tour.

3 dates à retenir de ton parcours ?

  • 4/07/2013 : naissance de ma fille Gulia
  • 9/02/2017 : 1ère étoile au Logis de la Cadène à Saint Émilion
  • 18/07/2021 : 1 ère étoile au Gabriel

Ton modèle en cuisine, ton mentor ?

J’ai eu la chance de travailler aux côtés de deux figures de la gastronomie : Paul Bocuse (trois étoiles Michelin à l’Auberge du Pont à Collonges) et Christophe Bacquié (l’Hôtel du Castellet, aujourd’hui trois étoiles Michelin)

Chez Paul Bocuse de 2006 à 2009, j’étais dans l’apprentissage de la cuisine française traditionnelle de haut niveau. Il m’a ému avec sa blanquette de veau à l’ancienne au point de faire de ce plat une de mes spécialités. 

Avec Christophe Bacquié, j’ai basculé dans une approche plus moderne et j’ai découvert la cuisine de la mer et ses infinis possibilités tant en terme de cuisson que de produit. 

Une base classique, un twist de modernité et un menu tout poisson, c’est la cuisine de l’observatoire ?

On peut le dire. Ici, j’ai la chance de pouvoir faire la synthèse de toutes mes expériences. Quand Stéphanie de Bouard m’a proposé la direction de cet emblématique restaurant, j’ai posé deux conditions : Faire une cuisine tout poisson et ne pas travailler le samedi ni le dimanche. Elle a parfaitement compris mon point de vue et a accepté de partir sur ces bases. 

Ce faisant, n’a-t-elle pas anticipé sur le restaurant de demain, plus respectueux du bien-être de ses collaborateurs ?

Complètement. Pour construire ce projet, j’ai tout fait pour donner à mon équipe des conditions de travail proche de celles offertes dans de nombreux métiers.

Au Gabriel, Le personnel du bistro travaille 4 jours puis bénéficie de 3 jours de coupure. Quant au gastronomique, nous avons limité notre offre à deux déjeuners par semaine et cinq dîners. Grâce à cette politique, nous réussissons à attirer des talents et à gérer plus tranquillement le turnover inhérent à notre profession. Cela participe à la bonne ambiance au sein de l’équipe et donc à la réussite de l’expérience client. 

Alexandre Baumard et la brigade de l’Observatoire du Gabriel, The good team.

Fort d’une belle équipe en cuisine et en salle, doté d’un des plus beaux outils de travail de Bordeaux et grâce à ton talent, vas-tu aller chasser les étoiles ? Serais-tu dans la course pour la seconde ?

C’est vrai, Je suis à la tête d’une belle équipe et j’espère avoir des atouts pour viser une seconde. On y travaille mais dans la sérénité. Les choses viendront au bon moment. Nous sommes déjà très heureux d’avoir décroché la première en 2021.

Quelle sagesse. Alexandre a raison de le souligner, une première étoile après quelques mois d’activité, c’était déjà un exploit. Le Gabriel selon Alexandre Baumard, c’est un monument qui retrouve son panache, une institution qui reprend sa place de table incontournable dans la gastronomique Bordelaise

A Settimana au Gabriel

Hier soir, Le restaurant gastronomique du Gabriel accueillait la Corse, ses produits d’exception, les voix chaudes et envoutantes de ses chanteurs polyphoniques et ceux qui l’aiment passionnément. Pour cette soirée d’ouverture d’A Settimana, la semaine Corse à Bordeaux, Nicolas Frion cuisinait avec Jean Chalut-Natal, Le jeune chef des deux adresses de la Corse à Bordeaux : A Cantina et la Brasserie Corse.

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Eric Despons entouré des deux chefs Nicolas Frion et Jean Chalut-Natal

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Pour mieux nous faire vivre l’expérience Corse, Cécile et Eric Despons avaient choisi de nous recevoir comme à la maison autour de trois tables d’hôtes réparties dans chacune des salles à manger du second étage. Superbe initiative qui a permis d’échanger sur l’île de Beauté, ses coutumes et ses particularités. Placée à la table de Philippe Pauchet, un des associés de Julien Pandolfi dans l’aventure d’A Cantina, j’ai eu le plaisir de recueillir ses histoires anecdotiques sur la construction d’une offre de produit Corse. Là-bas, les artisans choisissent leurs clients, ils les testent avant de leur offrir le meilleur et ils gardent la main sur les volumes. A écouter les difficultés dans l’approvisionnement en vin, je faisais le rapprochement avec nos grands Crus Classés ou sur la distribution des Bourgognes. Le viticulteur travaille sur allocation, une quantité réservée pour chaque client. Idem pour l’éleveur de porc, Quand on se limite à cent cochons par an, on peut se permettre de ne livrer qu’un seul jambon au commencement d’une relation commerciale à l’exemple de Félix Torre. Toutes ces précisions nous ramenaient régulièrement à nos assiettes et au privilège de déguster des produits d’une grande rareté sur une table Bordelaise._dsc2966

Nous avons commencé par L’oursin de méditerranée sublimé par du fenouil en gelée safranée et en espuma parfumé.

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Pour suivre, un pavé de Denti, un carnassier de belle taille de la famille des daurades, un des seigneurs de la méditerranée à la chair ferme et dense. Il était servi grillé sur la peau, accompagné d’une déclinaison d’artichaut poivrade et d’un bouillon aromatisé au cédrat.

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Ensuite, vint le fameux veau tigre, une race de l’île. La viande cuite à basse température et colorée minute est fumée à la Népita, herbe aux senteurs proches de l’origan. Les chefs Nicolas Frion et Jean Jean Chalut-Natal apportent leur barbecue en salle précédé des senteurs puissantes d’herbes grillées. Le service suit avec les assiettes préparées en cuisine. Le chef fait le show, il ouvre le couvercle de son mini fumoir et laisse s’échapper toutes les odeurs du maquis en feu, juste magnifique.

Le chef raconte ses essais au barbecue et ses mésaventures avec l'alarme incendie

Le chef raconte ses essais au barbecue et ses mésaventures avec l’alarme incendie

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Au mur du Fond, une photo de Philippe Exbrayat, j’adore !

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Autre passionnante actrice de cette soirée comme un spectacle, Florence Giudicelli a présenté son Domaine Vecchio Mélusine rouge 2014, un mono cépage Niellucciu, variété locale. Florence conduit sa vigne en agriculture raisonnée. Elle pratique une sélection drastique, ne laisse que cinq grappes par pied qu’elle récolte manuellement à parfaite maturité. Robe sombre et nez de fruits noirs, le vin a de la finesse.

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Adrien Cascio, le sommelier du restaurant sert la cuvée Mélusine.

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Nous continuons avec Le Brocciu, un fromage emblématique de l’île dont la saison de commercialisation commence à peine. Le chef l’a travaillé tout en en délicatesse avec une pointe de sucre, d’huile d’olive et de zeste de citron. Complet détournement de fromage du pauvre en met de roi : le Brocciu parfumé se glisse dans une tuile de dentelle à l’orange et flirte avec une vinaigrette olive et jus d’agrumes doublé d’un sorbet au combawa Corse. Une tuerie !

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Même registre pour le dessert : une sphère mousseuse aux agrumes, cœur coulant à la Nuciola et crème glacée au miel. Adorable présentation et joli dialogue entre le cédrat et la noisette.

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Merveilleux accords sucrés-acidulés amplifiés par le subtil choix d’un Muscat du Domaine Marengo en vin. Ce nectar, floral et fruité, à la sucrosité maîtrisé provient d’un mini domaine d’un seul hectare. Un vin magique à découvrir et acheter au marché Corse qui se tiendra dimanche à l’intérieur même du Gabriel. Je te recommande vivement de venir y faire un tour pour vivre un peu cette passion Corse et faire le plein de charcuterie, de vins, de fromages et autres douceurs. 25 producteurs ont fait le voyage tout spécialement pour A Settimana. Tu seras libre de te promener au cœur du restaurant, de découvrir ce lieu unique et son incroyable vue sur le miroir d’eau. Belle occasion aussi de composer ton panier gourmand, tu pourras ensuite, à la maison, t’inventer ta propre soirée. En Playlist d’un soir, télécharge les voix chaudes et envoutantes du groupe Alba et retrouve tes souvenirs de vacances heureuses sur l’île.marche-corse

 

Merci à toute l’équipe du Gabriel pour cette magnifique soirée, Merci aux chefs et à son second Romain Guyot.

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Nicolas Frion présente Yohann Gerard-Huet, le chef du Bistro du Gabriel