Les vendanges en Bordeaux blanc

Une journée au Château Fourcas Hosten

Comment fait-on un grand vin blanc ?

Que devient le raisin une fois coupé ?

Tri, égrappage, foulage, macération puis fermentations sont les étapes de la vinification d’un rouge.

Mais en Blanc ?

Le process est tout à fait différent. J’ai eu la chance d’accompagner l’équipe du Château Fourcas Hosten tout au long d’une journée de septembre. Voici mon retour sur les vendanges en Bordeaux blanc.

Le Château Fourcas Hosten, 50 hectares en Listrac Médoc.

Nous sommes au sud du Médoc entre Moulis et Saint Julien. A 43 mètres d’altitude, nous atteignons le toit du Médoc, position enviable et sol partagé entre des croupes gravières et un plateau calcaire. Ici la vigne bénéficie de la fraîcheur d’un climat océanique. La chaleur des étés est tempérée par les vents d’ouest et la proximité de la forêt régulatrice. Sols et climat font de Listrac un terroir propice à la vigne.

Le Château Fourcas Hosten est une propriété emblématique de l’appellation. Sa Chartreuse à la belle façade classique jouxte l’église du village. Le domaine appartient depuis 2006 aux frères Laurent et Renaud Momméja. Je vous le présentais en 2018.

http://lemeilleurdebordeaux.fr/visite-du-chateau-fourcas-hosten-appellation-listrac-medoc/.

Depuis cette visite, le Château Fourcas Hosten a continué sa transformation. On restructure toujours, on rajeunit le vignoble (42 hectares plantés, 6 en réserve). Grâce à une analyse plus fine de la géologie, une cartographie des sols, certaines parcelles sont replantées avec des cépages plus adaptés. On abandonne la philosophie productiviste des années 70 – 80 pour une recherche de qualité optimale.

On densifie les plantations pour forcer la vigne à aller chercher plus en profondeur eau et nutriments. Elle sera plus résistante à la sécheresse et plus en osmose avec son lieu. En parallèle, on installe le bio sur les rouges et on commence la biodynamie comme méthode culturale.

Un bâtiment dédié aux préparations, une tisanerie est en cours de construction. La certification Ecocert du vin est prévue pour le millésime 2020 en blanc et 2021 en rouge. Les vendanges à venir ont donc une symbolique toute particulière.

Enfin depuis le printemps 2020, Eloi Jacob a été nommé la direction générale et technique du domaine. Ingénieur de l’ENITA de Bordeaux, il a toujours travaillé en Bordelais . Il arrive de Château Fonplégade à Saint Emilion. Il a passé dix ans comme directeur technique puis directeur général dans un domaine qu’il a accompagné vers la certification bio (2013) et la biodynamie.

Les vendanges

Le choix de la date des vendanges

Les anciens comptaient 100 jours après la floraison. Il ne dérogeaient pas à la date fixée. Les impératifs des domaines en polyculture, la main-d’œuvre rassemblée (autrefois logée et nourrie sur la propriété) passaient avant la recherche de la maturité optimale.

Aujourd’hui, c’est différent. Le raisin décide. La date des vendanges se décide en fonction d’analyses biologiques et d’observations in situ. On surveille le rapport sucre/acidité tout en gardant un œil sur l’état sanitaire des raisins.

En 2020, un bel été indien a permis de retarder la cueillette sans mettre en danger le fruit. Dès que le taux de sucre souhaité a été atteint, l’équipe s’est mis dans les starting-blocks. Ils étaient tous prêt à démarrer mais se sont donnés 4 jours supplémentaires pour laisser les arômes atteindrent leur apogée. 

Au final la date du 7 septembre a été retenue pour le Blanc. Les vendanges ont commencé sans précipitation. La coupe s’est d’abord limité à des demi-rangs sur des portions de parcelles. Les hommes ont travaillé quelques heures.

Chez Fourcas Hosten, on pratique la vinification en parcellaire donc pour le Blanc on va aller dans la précision, dans le micro parcellaire. On travaille à l’échelle des 2,2 hectares du Blanc. On isole dans la parcelle certains endroits et on ramasse la quantité nécessaire pour remplir une presse et des multiples.

Qui sont les vendangeurs ? 

Les saisonniers sont des locaux. 

Le travail en demi parcelle est possible pour le Blanc de Fourcas Hosten en raison de la composition de l’équipe : 7 permanents dans les vignes, 8 saisonniers dont une majorité de fidèles qui reviennent chaque année.  6 à 10 mois/an, ces hommes et ces femmes participent aux travaux de la vigne : taille, épamprage …

Xavier, le chef de culture, connait parfaitement son équipe. Il organise le travail en tenant compte des forces et faiblesses de chacun. Comme dans la majorité des vignobles, on constate une division sexuée du travail. Les travaux viticoles sont souvent spécialisés en genre.

Traditionnellement reviennent aux hommes les travaux les plus physiques (la plantation des piquets, la taille) les plus nobles ( la conduite du tracteur) et aux femmes les travaux minutieux comme l’épamprage, le relevage. Pendant les vendanges, les équipes sont totalement mixtes même si le porteur est toujours un homme.

Une partie de l’équipe vendange :

Jean-louis 35 ans de présence, connait le vignoble cep par cep.

Eloi Jacob, nouveau directeur du Château Fourcas Hosten et Xavier Bruyez, chef de culture depuis 2005

Remarque : Pour les vendanges du rouge, l’équipe sera d’environ 30 personnes dans les vignes et 10 au chai sans trop de problème de recrutement. Le bio est un atout pour fidéliser la main-d’œuvre. 

La vendange 

Invitée à dormir au Château pour être sur place au lever du jour, je me suis réveillée à l’aube. Depuis ma chambre de princesse dans la tour de la Chartreuse, je voyais les premières lueurs du soleil sur le vignoble. A six heures, le calme régnait sur Fourcas Hosten.

Nous avons pris le petit déjeuner dans la cuisine entre la magnifique cuisinière AGA et l’imposant vaisselier, véritable coffre aux trésors pour les fans d’art de la table. Puis nous avons rejoins la vigne en traversant le parc et les parcelles limitrophes de la propriété. Le soleil nous accompagnait dans cette balade matinale, un régal.

L’équipe avait déjà commencé son travail. Armée des indispensables outils du vendangeur 2020, masque, gants et sécateur, je me suis attaquée à mon rang. Et c’est là que j’ai tout compris : les difficultés, la pénibilité mais aussi le plaisir de la récolte. Oui, c’est difficile de vendanger. Courbée en deux ou accroupie, je cherche sous la végétation l’or du Médoc. J’arrache maladroitement les feuilles pour me frayer un passage mais souvent le fruit est rebelle. La grappe est attachée au sarment par une tige, le pédoncule, dont la faible longueur ne permet pas de travailler confortablement avec le sécateur. L’ouvrière malhabile peine à couper sans blesser les baies.

Heureusement la nature est généreuse, les grappes sont magnifiques et ma cagette de 7 kg se remplit rapidement. Quand elle est pleine, je me redresse et je crie fièrement « cagette » . Le temps que mon porteur vienne récupérer ma caisse, je respire et je vis ce moment unique. Etre là, au milieu de cette végétation luxuriante, dans les rayons du soleil matinal à ramasser ces golden baies, c’est magique.

Ma tâche terminée, mes dix pieds récoltés, j’écoute les femmes et les hommes de métier.

Leur vendange a une musique, un rythme. Dans le silence des rangs, on entend le bruit des feuilles que la main froisse, écarte et parfois arrache pour se frayer un chemin vers la grappe. Puis on entend le clac – clac nerveux du sécateur. Les gestes sont rapides, les bruits leur répondent. Et très vite retentit le « cagette », l’appel du coupeur au porteur pour que celui-ci vienne chercher le contenant plein. 

Quand les travailleurs ont terminé leur rang, ils se redressent, regardent l’avancée des copains avant de replonger dos courbé et gestes habiles vers les raisins dorés. Ce matin ils vont faire 150 cagettes, de quoi alimenter la presse pour deux fois.

 Je les laisse terminer et prends le temps de quelques photos du raisin , la star du jour. La vigne est somptueuse en septembre, déclinaison de vert et de jaune doré.

Je quitte à regret l’endroit pour retourner vers la chartreuse. Dans le chai de vinification, on presse le raisin récolté la veille.

La presse

Le raisin est ramassé au lever du jour quand les températures sont les plus basses. La vendange est stockée une journée + une nuit en camion réfrigéré. Au repos, la vendange amorce une macération propice aux échanges aromatiques entre la peau et le mout. C’est le skin contact. Il n’y a ni éraflage, ni tri comme dans les rouge. Ici la rafle (la partie végétale, le lien nourricier qui supporte les baies et relie la souche et le grain) va aider à drainer les jus.

Le lendemain de la récolte, on apporte les cagettes au chai. On peut voir sur les photos que les grappes sont versées entières dans la cage. On alterne couche de fruits et tapis de corde (utile pour drainer) . A l’oeil, on remarque des raisins brulés de soleil au milieu de grappes. Ils ne donnent pas de mauvais goût. Quand à ceux que le botrytis a colonisé, ils donneront de la richesse aromatique au mout.

Et si il restait des baies à la maturité trop avancée, leur jus serait éliminé. A chaque presse, on écarte les 7 à 8 premiers litres, ceux des raisins trop mous qui éclatent en premier.

Préparation d’une presse au Château Fourcas Hosten

Le pressurage vertical se fait avec une montée en pression par palier. Celle-ci reste douce afin de ne pas écraser les pépins et libérer de l’amertume. Le jus s’écoule par les perforations de la cage inoxydable. il est recueilli dans un cuvon thermorégulé. A ce stade, il n’y a pas de sulfitage mais une protection par gaz CO2.

une Presse en quelques chiffres :

  • 7 h / par cuve
  • 75 cagettes de raisin. 
  • 800 Kg de raisin 
  •  350 litres de jus soit 400 bouteilles. 
  • Le Blanc de Fourcas Hosten en 2019
    • 20 presses 8 000 bouteilles 
Sophie Solnicki-Thierry, directrice commerciale, Athanase Fakorellis, oenologue conseil,
Eloi Jacob Directeur du Château Fourcas Hosten

En rentrant de la vigne, nous avons goûté le jus de deux presses en fonctionnement. C’est une expérience gourmande unique. Il y a de la présence, de la matière, du fruit et du sucre. Un bonheur.

La vinification, l’élevage et la commercialisation du Blanc de Fourcas Hosten

La presse terminée, le jus recueilli est mis en barriques de chêne pour une vinification et un élevage à la bourguignonne sur lies fines. La fermentation alcoolique va durer 10 à 15 jours à température régulée entre 15 et 23°.

Pas de fermentation malo lactique pour ce Blanc à l’issue mais un élevage de 6 mois en barriques. Les vins sont batonnés plusieurs fois par jour pendant les trois premières semaines puis une fois/jour.  Avec le temps, le vin s’enrichit devient plus complexe. Il pourra se garder au moins 5 ans. 

Le travail du chai se fait en étroite collaboration avec l’oenologue conseil. Athanase Fakorellis accompagne en tant que consultant sur le Blanc depuis le premier millésime en 2014. Il est très présent sur le domaine. Grec d’origine, il se destinait à la pharmacie. Venu à Bordeaux pour étudier, la vie l’a mené vers des études d’onoelogie. Il conseille un ensemble de Châteaux dont le célèbre Château Valandraud Blanc de Murielle Andraud et Jean-Luc Thuvenin, inventeurs des vins de Garage et précurseurs dans les Blancs de luxe travaillés comme des Bourgogne.

Le Blanc de Fourcas Hosten bénéficie de soins attentifs, il occupe une place très particulière au domaine. Quand Laurent et Renaud Momméja ont racheté les lieux, on n’y faisait que du rouge. Ils ont souhaité par le biais du Blanc fédérer les équipes autour d’un nouveau projet. l’idée de rassembler de la production au marketing se trouva confortée par l’analyse des sols. Le terroir de Listrac-Médoc, et plus particulièrement celui du Château Fourcas Hosten étaient capable de donner un grand Blanc.

Le Blanc devient donc la cuvée de toutes les innovations. Le meilleur de ce qui est appris avec lui est ensuite transposé au rouge. Je pense au pressoir vertical et bien sur à la culture en bio. Le choix du bio s’est imposé dès le début de la plantation des Sauvignon et des Sémillon, les cépages du Blanc. Au vu des bons résultats du process, les techniques de culture biologique apprises ont été transposées sur le rouge, de 4 hectares en 2013, 19 hectares en 2016 à la totalité du vignoble 38 hectares en 2018.

Aujourd’hui, une des expérimentations en cours, c’est la vinification en amphore de terre cuite.  Une belle pièce occupe le centre du cuvier. Matériel artisanal, vivant, capable d’échanger avec le milieu ambiant, elle va apporter des notes originales sans le côté boisé de la barrique.

Lors de mon passage, au tout début des vendanges, le chai était presque vide. Une seule barrique récolté 8 jours auparavant contenait le futur 2020. Cela suffisait pour diffuser dans la pièce des parfums de fruits, de poires. L’ai embaumait le vin en devenir. Eloi Jacob a prélevé pour nous une pipette du nectar. Divin !

Le Blanc de Fourcas Hosten

Joli terroir, conduite de la vigne en bio, vendanges manuelles et vinification minutieuse font du Blanc de Fourcas Hosten, un vin couture. A la dégustation, il séduit par sa pureté aromatique et sa finesse. Pour avoir eu la chance de déguster les millésimes 2015, 2017, 2018 et 2019, je dirai que ce vin racé me semble de ceux qui sont taillés pour la garde.

Si le millésime 2019 séduit par sa fraîcheur, son éclat, le 2015 a gagné en complexité. Sa robe a peu évolué, le vin ne s’oxyde pas malgré une très faible teneur en sulfites. (Le résiduel est donné à 60mg/ litre dans le vin)

Le Blanc de Château Fourcas Hosten, les millésimes 2017 et 2019

Le Blanc de Fourcas Hosten est commercialisé sous l’appellation Bordeaux. C’est une des limites de nos AOC. Celle de Listrac Médoc ne prévoit pas le blanc dans son cahier des charges. l’INAO a oublié l’histoire des grands vins blancs des terres médocaines. Ceux qui se lancent dans l’aventure du blanc ne bénéficient donc pas des appellations villages. C’est dommage.

Le Blanc de Fourcas Hosten, 2019

72 %Sauvignon Blanc et 15% Sauvignon gris pour la fraîcheur

13 % Sémillon pour la matière

Rendement : 28,64 hl/ha

production 6431 bouteilles + 542 magnums

Où trouver les vins ?

Très classiquement à Bordeaux, le vin est commercialisé par la filière du négoce. On retrouve donc le Blanc et les rouge chez les grands cavistes et les sites en ligne au prix moyen de 25€ la bouteille. (Ex : wineandco.com, à La Vinothèque de Bordeaux et à la boutique Caviar de Neuvic passage Sarget)

On peut aussi acheter directement à la propriété et pourquoi pas en profiter pour visiter le domaine. Pour cela, il faut réserver, voici toutes les informations :

Château Fourcas Hosten visites : https://www.fourcas-hosten.com/organiser-une-visite/

📪 5 rue Odile Redon – 33480 Listrac Médoc

☎️ 05 56 58 01 15 pour prendre RDV

Cet article est un coup de coeur, je suis fan du Blanc de Fourcas Hosten. Il mérite une place dans nos caves et dans nos sélections. Le Bordeaux change, ce serait dommage de passer à côté de ses cuvées d’exception, de ses vins modernes. Dimanche matin sur France Inter, on parlait dans l’émission « On va déguster » de la remontada du Bordeaux. Je partage leur analyse. Et en amatrice enthousiaste, je reviens très vite vous parler de mes Bordeaux blanc favoris.

Ainsi ce termine cette journée magnifique au château Fourcas-Hosten pour la première récolte des vendanges 2020 en Blanc.