En janvier j’ai testé le nouveau restaurant de Christophe Girardot : Paradoxe.
Christophe Girardot chez lui, presque à Bordeaux
Voilà vingt ans que Christophe Girardot participe à la scène culinaire. Il est resté fidèle à Bordeaux, sa ville natale. Je l’ai connu à la Table de Montesquieu, une superbe adresse gastronomique à la Brède. A l’époque, le chef avait installé, en toute liberté, une cuisine créative servie par des présentations ludiques. Le pot au feu déstructuré était déjà à la carte. je me souviens des oeufs servis en coquille dans leur boîte carton et de la brochette de Saint Jacques posée sur un verre à Bourgogne. Un dîner à la table de Montesquieu, c’était une réelle expérience gastronomique dans un cadre très contemporain. J’en ai gardé un merveilleux souvenir. J’ai encore à l’oreille le petit zézaiement du serveur. En neuf mois, le restaurant avait gagné une étoile au Michelin. nous étions tous conquis. la belle aventure s’est terminé en 2012. Tristesse.
En 2014, nous retrouvons Christophe à la Guérinière, une table réputée à Arcachon. Voici pour mémoire l’interview du chef réalisée à cette époque :
La parenthèse bassin a duré quatre ans. Puis les propriétaires de l’hôtel restaurant ont vendu leur affaire. Christophe Girardot a fait une pause, une jolie balade à moto. En 2019, il reprend du service avec Paradoxe. Le chef rachète l’ancien Cape à Thomas Brasleret. Après vingt ans chez les autres, voici le chef enfin chez lui. The dream comes true.
Paradoxe, une adresse atypique en banlieue bordelaise
Il faut quitter Bordeaux, prendre le pont d’Aquitaine et rejoindre la rive droite pour trouver Paradoxe. L’emplacement du restaurant est assez inhabituel. On n’y viendra pas par hasard.
Imaginez un coin de banlieue à quinze minutes du centre ville, un quartier résidentiel fait de pavillons des années soixante dix et là un restaurant caché derrière une façade toute simple.
Certains Bordelais ne sont pas surpris. Ils sont nombreux à avoir fréquenté les lieux du temps de son créateur Nicolas Magie. Avant de reprendre les cuisines du Saint James en 2012, Nicolas Magie avait fait de la Cape un îlot gourmand. Le chef avait même accroché l’étoile en 2004.
Paradoxe : un défi
Reprendre la Cape, redonner à l’adresse toute son attractivité ne sera pas simple. Pour Christophe Girardot, le challenge est de taille. A Bordeaux, les talents sont nombreux, la concurrence est rude. Pour autant, le chef ne manque pas d’atouts. Il dispose d’un fan club et d’une clientèle fidèle qui le suit depuis la Table de Montesquieu. Il est surtout riche de toute l’expérience acquise au fil de sa déjà longue carrière. C’est un passionné, un gros travailleur qui s’est doté d’un répertoire original. Sa cuisine créative, ses assiettes architecturées, ses recettes bien ancrées dans le Sud-Ouest mais boostées aux saveurs d’Asie contribuent à faire d’un dîner chez Paradoxe, un moment unique.
Pour relever le challenge de Paradoxe, je n’oublie pas Solène Lemonnier, le second, en cuisine. La jeune femme qui a suivi son mentor à Cenon forme un binôme de choc avec le chef. On a hâte de trouver à la carte une de ses créations.
Paradoxe, une cuisine tatouée Girardot
Et au menu chez Paradoxe ?
Le chef nous régale de ses plats signatures. Ceux qui suivent la bibliographie de Christophe Girardot reconnaîtront son style, une cuisine précise, des recettes sur le goût, sur le bel ingrédient. Le chef aime jouer avec les volumes et les formes. Il enferme ses préparations dans un monde géométrique. Cubes, sphères et rectangles s’invitent dans l’assiette. Paradoxe, c’est une cuisine inspirée de Picasso période cubisme.
Le menu du soir s’articule en quatre plats précédés d’une mise en bouche punchy et colorée. Le menu surprise joue avec nos sens. L’oeil s’émerveille des constructions délicates, la bouche se calîne de saveurs gourmandes.
Voici en images, une soirée de janvier 2020
Le pigeon amoureux d’un foie gras de canard, en pelote de pomme de terre
Je n’ai pas testé mais on trouve à la carte ce plat incroyable. Pour l’avoir vu en show – cooking, j’ai une fascination pour l’inventivité de Christophe. J’adore son usage de la machine à découper les légumes et sa faculté à transformer une pomme de terre en tagliatelle.
Le pigeon est entièrement désossé, rôti au beurre. Puis il est amalgamé en boules avec du foie gras cru et enveloppé dans une feuille de blette. L’ensemble est entouré de la pomme de terre en fialment . Avant le service frit à 160° et servi avec le jus réduit.
Œuf imaginaire au caviar d’Aquitaine, barres de butternut confites sous un voile de lard de Colonnata.
L’oeuf au noir, Soulages aurait pu l’imaginer. La recette est du chef Girardot. Je l’ai trouvé dans l’inventaire gourmand du Sud-Ouest. La coque est faconnée dans du beurre pommade parfumé au caviar séché. Elle est remplie d’un jaune d’œuf et de caviar puis soudée, refroidie, recouverte d’une fine chapelure teintée au charbon actif. La préparation est conservée au froid et passé en friture à 175° avant de servir .
Dans l’assiette, l’œuf est posé sur un socle fait de butternut confit recouvert d’une fine tranche de lard colonatta.
L’Oursin et sa mouillette « croque mer »
Je termine ma présentation de Paradoxe par l’oursin et sa mouillette croque-mer. Le plat est servi dans une coque de porcelaine façonnée comme un oursin. C’est une salade céleri-pomme verte, avocat et oursin. Elle est assaisonnée d’une émulsion oursin et citron yuzu et accompagnée de sa mouillette beurrée. Celle-ci se compose d’une tranche de pain de mie taillée en rectangle, dorée au beurre et garnie de délicats morceaux de crevettes et oursins. plantes comestibles et feuille d’or en bonus.
Cette entrée résume tellement bien le style du restaurant.
Nous sommes dans le registre de la gastronomie créative. Les fondamentaux sont là : salle confortable, tables nappées de blanc, une mise en scène sublimée par une vaisselle originale avec une assiette dédiée à chaque plat. Une carte des vins bien balancée entre les régions françaises. Et l’essentiel, un chef qui donne avec générosité, qui prend plaisir à partager son idée de la cuisine.
Paradoxe, une nouvelle adresse dans la eat list des Bordelais.
Voilà, Paradoxe c’est donc une nouvelle bonne adresse sur Bordeaux. Elle doit absolument figurer dans votre eat list du moment. Je vous la recommande pour un diner entre amis gastronomes. Pour les amoureux, c’est aussi une idée. Cela manque peut-être un peu de glam. Sans chercher les paillettes, j’aimerais un peu de fantaisie et de chaleur en salle. Côté déjeuner, je vois bien un rendez-vous d’affaires. Les tables sont très espacées, le service courtois, c’est parfait pour le business.
Paradoxe à Cenon, c’est le nouveau restaurant de Christophe Girardot.
Paradoxe
- 9 Allée de la Morlette, 33150 Cenon – 05 57 80 24 25
- mardi au samedi midi et soir
- menu midi 32€, le soir 65€.