Pontet-Canet, Grand Cru Classé 1855 conduit en Biodynamie.

Biodynamie et réalité économique, deux concepts antinomiques ? Depuis sa certification en 2010, Pontet-Canet relève le challenge de faire prospérer une propriété viticole en mode biologique._DSC5338

Pari osé car Pontet-Canet, cinquième cru classé, appartient au monde exclusif et hautement spéculatif des vins de luxe. Dans cet univers d’excellence, les enjeux financiers, les exigences en matière de qualité et de régularité sont à leur maximum. Il fallait des hommes de conviction pour affronter l’establishment et la météo avec pour seule bible les prescriptions d’un chimiste de génie l’Autrichien Rudolf Steiner. Son ambition : combiner une forme d’homéopathie appliquée à la culture biologique, doublée d’une recherche d’autosuffisance, une volonté de trouver ou de fabriquer sur site les nutriments nécessaires à la culture. La méthode est née dans les années vingt en Silésie. On en parle beaucoup aujourd’hui dans le monde viticole même si le nombre de domaines certifiés reste faible particulièrement en bordelais.

Au moment où les médias s’emparent du dossier viticulture, où chaque jour l’abus de l’emploi de pesticides est montré du doigt, il apparaissait intéressant de regarder du côté des précurseurs. Comment réussir à limiter les intrants, à abandonner l’usage de pesticides tout en fabricant un vin d’exception ?

Le succès de Pontet-Canet tient certainement au duo propriétaire-maître de culture Alfred Tesseron-Jean-Michel Comme. Le premier a hérité du domaine acquis par son père en 1975. Il embauche très rapidement un ingénieur de 24 ans, Jean-Michel Comme, auquel il confie la direction de l’exploitation. Leur mutuelle confiance, leur engagement sans limites pour le domaine et leurs valeurs communes ont permis de faire de Pontet-Canet le premier et encore l’unique Grand Cru Classé 1855 à être certifié bio et biodynamie. La politique du domaine suit la recherche d’un équilibre entre les différents éléments, dans le respect de l’humain et du vivant. Les techniques artisanales sont privilégiées dans une démarche globale de respect du patrimoine. Ainsi les travaux d’embellissement et de rénovation des bâtiments sont faits par des artisans à demeure. A l’heure actuelle deux tailleurs de pierre sont sur la propriété et participent à la construction d’un nouveau bâtiment technique.

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Chai de vinification, cuvier Skawinski

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Etage du chai Skawinski , la vendange est versée par gravité dans les cuves

Une visite commence comme chez les prestigieux voisins par un tour du domaine aux jardins méticuleusement entretenus. Elle continue par le chai de vinification que rien ne semble distinguer des autres grands crus, même système de remplissage par gravitation, même souci de ne pas brusquer la vendange. La récolte et le tri restent manuels.

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chai de vinification, cuvier bois

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Chai de vinification, cuves tronconiques béton. 2004

L’originalité de Pontet-Canet réside dans son mode de culture, dans ses techniques de vinification dont notre charmante et très professionnelle guide Violaine Figon parle avec enthousiasme. Elle cite volontiers le stratège, l’inventeur de nombreuses machines et autres outils mis en place au domaine : Jean-Michel Comme le régisseur de Pontet-Canet. Notre curiosité se libère, nous multiplions les questions. Elle propose alors une rencontre avec l’homme de l’art. Jean-Michel Comme nous rejoint pour un temps d’échange impromptu. La visite prend alors des allures de confidences sur l’esprit des lieux. L’homme prend le temps de partager ses convictions, son expérience et de répondre à nos interrogations. Il s’exprime d’une voix posée, il semble très calme mais tellement déterminé.

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Convaincu de la dangerosité du suremploi de produits chimiques, il a réfléchi pour sortir le domaine de l’engrenage du toujours plus. Il ne veut pas un retour en arrière mais plutôt participer à l’invention d’une nouvelle agriculture plus respectueuse de la terre et des hommes.

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La conversion a pris du temps, Il a fallu tout repenser pour satisfaire au cahier des charges de l’agriculture biologique qui bannit les pesticides de synthèse et l’utilisation d’intrants. Les herbicides sont remplacés par l’arrachage manuel, les engrais d’origine naturelle (compost, fumier…) sont produit par un mini-troupeau composé de trois vache et d’un taureau. Suivant les prescriptions de Steiner, les sols, les vignes sont soignés en suivant le calendrier lunaire. Le cheval a été réintroduit en 2008 pour l’épandage des préparations homéopathiques dont la célèbre 501 à base de bouse de vache fermentée. Aujourd’hui les huit chevaux présents sur le domaine permettent d’entretenir en totalité quarante deux hectares sur les quatre vint un que compte Pontet-Canet. Ils participent aux divers travaux de labourage, de désherbage et de pulvérisation.

On a dû tout réinventer, comprendre, apprendre et adapter.

Prenons l’exemple du cheval. Il est apparu que les tracteurs modernes exercaient une pression si forte sur les sols qu’ils les tassent. Le cheval lui, permet un travail moins traumatisant pour les sols et donc pour la vigne. Mais il avait disparu du paysage médocain avec la mécanisation. Retrouver un cheval vaillant pour travailler et non pas paresser au pré a pris du temps. Jean-Michel Comme a d’abord choisi le postier breton ou le poitevin. Aujourd’hui il expérimente le percheron de petit gabarit, un animal robuste et travailleur.

Ici les chevaux ne sont pas au pré mais dans les vignes. Ils travaillent et doivent être vaillants.

Une fois le raisin récolté, en vendanges manuelles, la vinification en mode bio diffère de celles pratiquées en agriculture conventionnelle. Certaines pratiques sont interdites et d’autres limitées. L’ajout de soufre est soumis à de sévères restrictions et les additifs, qui servent à la fermentation, la stabilisation et la filtration, sont limités.

En plus des recommandations liées à la certification DEMETER, Jean-Michel Comme a poursuivi une réflexion personnelle sur la vinification. Pour aller plus loin dans la démarche de respect du produit, il cherche limiter les échanges vins et bois. Ingénieur de formation il dessine en 2005 un cuvier béton doté de cuves de 80hl destinées aux petites parcelles. En 2012, il lance le vieillissement en amphores béton. Pour rester proche du terroir, ses cent amphores sont moulées dans un béton intégrant pour une moitié des graves de Pontet-Canet et pour l’autre moitié du calcaire broyé. Les amphores ont la forme d’un oeuf inversé. Les lies circulent naturellement, elles sont moins en contact avec le vin. L’objectif est d’obtenir un vin avec moins de gras et plus de finesse. Aujourd’hui il vinifie 50% en barriques neuves, 15% en barriques de 1 an et 35% en amphores. Encore une pratique très différente de celles de ses proches voisins, souvent à 100% de barriques neuves.

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Chai d’élevage en amphore béton, 2012

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Et le vin ?

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La vinothèque , + vieux flacon 1942

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Produit de luxe et d’exception, Pontet-Canet s’exporte en majorité. Pour le plaisir des amateurs éclairés, il est toujours possible d’acheter quelques bouteilles au château. Une folie pour fêter un moment d’exception.

A l’issue de notre visite, nous aurons le plaisir de déguster un 2012, premier millésime vinifié pour parti en amphore.

  • Une jolie robe sombre, des arômes de fruit noir, de la fraîcheur et de la complexité. Encore quelques années et le vin sera superbe.
  • Une Beauté selon le critique James Suckling qui lui attribue la note 94-95.
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Les consommateurs, eux, plébiscitent le vin dont le succès est bien supérieur à son classement. Pontet-Canet se vend presque en totalité en primeur avec une facilité jamais démentie. Même les années jugées difficiles sont écoulées en deux jours auprès des négociants allocataires.

Cette confiance des négociants dans la commercialité du vin a soutenu Jean-Michel Comme dans les moments difficiles. La conversion en bio n’a pas été facile. Il se souvient de 2007 un millésime très difficile où tout a failli basculer. La nature se montrait rebelle. Pontet-Canet n’a pas flanché dans sa démarche, juste pris un peu plus de temps. Le domaine est certifié bio depuis 2010 et a obtenu le label Demeter en 2014. On aurait pu imaginer une vague de conversion massive au bio à la suite de Pontet-Canet. Il n’est est rien. Frilosité ou absence d’intérêt pour un label jugé inutile ? Le futur est pourtant dans le bio et même sans chercher la certification, la majorité des grands crus s’est lancé dans des pratiques plus vertueuses. Communication, bio cosmétique ou posture marketing, l’avenir nous le dira.

Pontet-Canet, quelques informations techniques

  • Source : site Pontet-canet.com
  • Appellation : Pauillac
  • Superficie : 120 Hectares dont 81 en vignes
  • Géologie : Sol : graves du quaternaire
  • Cépages : Cabernet Sauvignon 62%, Merlot 32%, Cabernet Franc 4%,
  • Petit Verdot 2%
  • Age moyen des vignes : 40-45 ans
  • Mode de Culture : Certifié Biologique et Biodynamique
  • Densité de plantation : 9500 pieds par hectare
  • Engrais : Fumure composté (si nécessaire)
  • Taille : Guyot double médocaine
  • Vendanges : Manuelles, en cagettes

 

Visiter Margaux et vouvoyer un Premier.

Margaux : Le nom fascine. Le vin, un des plus prestigieux du monde, fait rêver. Son histoire est romanesque.

Le site impressionne, c’est le monde des happy few, celui des cinq Premiers du classement de 1855. Le château, construit en 1801, est classé monument historique, les chais sont signés Norman Foster, la modernité sublime les traditions. La dégustation finale, trop cool, un pur moment de bonheur.

Margaux, c’est stylé, vraiment !

Le passé tumultueux du domaine ressemble à celui des belles propriétés du Médoc avec de nombreux changements de propriétaire. Des phases de prospérité alternent avec des périodes de déclin liées au contexte historique. La propriété connaît en particulier l’épisode malheureux de la révolution de 1789 et le phylloxéra. L’actuel château, surnommé le petit Versailles Médocain, est resté inchangé depuis sa construction par l’architecte de renom Louis Combes. Pour autant, la propriété reste à la pointe des techniques de vinification. Un nouveau chai conçu par un des plus grands noms de l’architecture contemporaine Norman Foster a été inauguré en 2015.

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Une cathédrale souterraine, le chai signé Norman Foster

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La vinothèque abrite la collection de vieux millésimes

Margaux se visite sur rendez-vous. Il faut souvent patienter pour obtenir une date. Deux mois d’attente pour faire monter la pression et attiser ta curiosité. La visite ne déçoit pas.

J’ai adoré, même si notre guide, pressée par un emploi du temps très serré et une autre visite à suivre nous a imposé un rythme bien speed.

La visite ressemble à une déambulation au sein des dépendances du château, ensemble de rues bordées de bâtiments techniques, d’ateliers d’artisans et de logements ouvriers. D’apparence extérieure assez sobre, le nouveau chai de Norman Foster se révèle grandiose à l’intérieur. Les 800 m2 au look de marché couvert concentrent les espaces de vinification, les cuviers ultra modernes, le chai et une vinothèque souterraine d’une capacité de 200 000 bouteilles pour conserver la collection de vieux millésimes du château. Je n’oublie le laboratoire de R&D implanté au cœur des nouvelles installations, le domaine des sorciers du vin.

En plus du nouveau chai réservé aux premières années, la propriété dispose d’un second chai datant de 1983 où se bonifie les deuxièmes années.maison 55 maison 59

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Le laboratoire de R&D

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maison 30Tu termines par la dégustation, un moment à savourer lentement et en silence.maison 40

D’abord un pavillon rouge, le deuxième vin de château Margaux, au nez de fruits rouges et épices, aux beaux tannins. De la rondeur, de l’élégance.

Ensuite un Margaux 2004

Une belle couleur grenat, un nez délicat, une attaque souple, une belle finale aromatique, des tanins élégants, de la fraîcheur. Un Margaux de caractère.

 

Margaux, pour aller plus loin.

 

Un encépagement typique du Médoc

  • 75% de Cabernet Sauvignon, 20% de Merlot et 5% de Cabernet Franc et de petit Verdot.
  • 82 Ha de vignes en rouge, rendement de 40Hl/Ha
  • 12Ha de vignes en Blanc, rendement de 20Hl/Ha

Des hommes de passion

  • La propriétaire Corinne Mentzelopoulos a succédé à son père en 2003.
  • Le domaine est dirigé depuis 1990 par l’ingénieur agronome et œnologue Paul Pontailler. Son décès des suites d’une longue maladie en mars 2016 prive Margaux d’une des personnalités les plus respectées du milieu viticole bordelais.
  • Je cite Jacques Dupont dans Le Point du 28/03/2016
  • Paul Pontallier, c’était Château Margaux. Directeur depuis 1983, Paul incarnait la modestie et l’humilité du très grand cru qui n’a rien à prouver. Chez lui, l’objectif n’était pas la démonstration de force, mais l’harmonie : « On ne saisit jamais la vraie capacité de puissance que révèle l’équilibre », disait-il
  • Château Margaux perd son magicien, Bordeaux un sage, un intuitif et le monde du vin un humaniste.
  • Paul Pontailler dirigeait une équipe de 30 vignerons à l’année et 270 vendangeurs.

Des techniques avant-gardistes depuis le XIX allié à un mode d’élevage traditionnel

  • Dès le XVIII, Margaux met en place des procédés de vinification modernes comme la sélection parcellaire
  • Le concept de second vin est né à Margaux avec Pavillon Rouge fin XIX
  • Le vin est mis en bouteille au Château dès 1924
  • La propriété dispose d’un centre de R&D où travaillent 5 onologues
  • Le nouveau chai inauguré en 2015 permet une vinification parcellaire très poussée. L’assemblage se fait en février.
  • Si Margaux utilise les techniques les plus avancées, le château conserve l’essentiel des pratiques traditionnelles. La vendange se fait manuellement, les techniques de soutirage à la bougie et de collage au blanc d’œuf sont encore utilisées. Enfin Le château dispose de sa propre tonnellerie. On y fabrique 250 tonneaux par an. Cette production en interne vient compléter les achats réalisés auprès de six fournisseurs utilisant le meilleur des chênes, celui de la forêt de Tronçais dans l’Allier.
  • 1000 barriques sont utilisées chaque année pour le Premier élevé uniquement en barrique neuve.
  • Le vin attend 20 à 24 mois avant la mise en bouteille.maison 1 maison 8maison 25

Une production moyenne de

  • 130 000 bouteilles de Margaux, le Premier cru
  • 130 000 bouteilles de Pavillon Rouge le second cru, né au XIX
  • 30 000 bouteilles de Margaux de Château Margaux, un vin né en 2013
  • 12 000 bouteilles de Pavillon Blanc, appellation Bordeaux
  • Pas de vente directe, la totalité de la production est distribuée par 10 négociants allocataires.

Margaux, 33460 Margaux
Tél. : +33 (0) 5 57 88 83 83