A la table du nouveau chef de Cordeillan-Bages, Julien Lefebvre

Autrefois les propriétés à la campagne s’ouvraient au printemps, faisaient le plein de cousins pour l’été, de vacanciers attardés en septembre et fermaient leurs portes et leurs volets en hiver. La Famille Cazes, propriétaire de Cordeillan-Bages, perpétue ce rituel propre aux grandes maisons de famille comme pour ancrer le château Médocain dans l’histoire et l’art de vivre à la française. Pour autant, les lieux ne s’endorment jamais tout à fait. Le temps de la fermeture est mis à profit pour restaurer, transformer et offrir à la réouverture un cadre subtilement modernisé.

Invitée par la maison en ce début de saison, j’ai déambulé dans la chartreuse avec le plaisir et l’émotion de celle qui se souvient des bons moments, déjeuner ou dîner de fête. Je me suis attardée dans les salons d’accueil, j’ai caressé le nouveau mobilier et fait une courte halte au calme, imaginant le bonheur des convives séjournant au château à vivre entre luxe discret et confort bourgeois. A Cordeillan-Bages, on se sent bien comme dans la propriété d’un lointain cousin, esthète et amateur d’art contemporain. L’équipe portée par Céline de Labrousse, directrice générale de Lynch-Bages & Cie, a su créer une atmosphère professionnelle mais aussi chaleureuse, presque familiale.

Céline de Labrousse, directrice générale de Lynch-Bages & cie

Vient le moment de passer à table et de découvrir la première carte signée Julien Lefebvre, le tout nouveau chef de Cordeillan-Bages. Le normand prend la suite du flamboyant Jean-Luc Rocha, deux étoiles Michelin, parti vers un destin parisien. Je passe en cuisine saluer le chef et son équipe. Conscient du challenge mais solide sur ses bases, le chef-exécutif des cuisines du Château et du Café Lavinal nous promet une cuisine sur le goût, très produit. Il vient en Médoc avec un joli passé de second dans les plus grandes brigades, du Pré Catelan*** de Frédéric Anton au Groupe Pacaud et à son deux étoiles, Histoires. Grand amateur de poisson et adepte du manger local, il va associer la pêche de petits bateaux au meilleur des produits d’Aquitaine, asperges du Médoc, volailles de la Ferme de Vertessec, Caviar Prunier et autres spécialités de région.

Julien Lefebvre, chef du Château Cordeillan-Bages

Pour ceux qui veulent mieux connaître ce futur grand, une interview du chef est en ligne sur mon site.http://lemeilleurdebordeaux.fr/entretien-avec-julien-lefebvre-chef-de-cordeillan-bages/

Pour les autres, je les invite à me suivre dans la salle à manger de Cordeillan pour le menu Millésimes. Nous avons commencé la dégustation par un verre d’Alto de Cantenac-Brown propriété sise à Margaux et quelques mises en bouche, un trio de verrines, betterave, avocat-citron, gelée de volaille et févettes accompagné de sablés parmesan et de délicates tuiles au persil façonnées en forme de feuille de vigne. Un début punchy comme un réveil des papilles bien servi par le Bordeaux Blanc aromatique et minéral.

La pré-entrée, une huître pochée, crème de roquette et caviar d’aquitaine sur une gelée marine nous prépare au plat signature du chef, une gelée de coquillages aux fruits de mer, véritable tableau marin comme une photo d’après la vague. Un bonheur iodé en bouche.

Pour suivre, la déclinaison gourmande du coquillage dans un soufflé contemporain aux praires et curry, bien parfumé, onctueux et gourmand. Ensuite une merveille de sole de petit bateau, le filet juste poché, et ses asperges vertes. Le poisson est servi nu dans toute sa fraîcheur de pêche française et de proximité. Je te recommande de goûter sa chair ferme et délicate, une première fois nature pour en savourer toute la fermeté, d’y retrouver son goût délicat. Dans un second temps ajoute la sauce poulette à l’onctuosité toute normande, un des points forts de Julien Lefebvre.

Second moment d’émotion avec le pigeon rôti aux artichauts de Macau et sa purée de pomme de terre généreuse en beurre frais comme à la table familiale. La volaille est admirablement bien servie par une cuisson parfaite où la chair reste fondante sous une jolie attaque croustillante. Le plat sera accompagné d’un Saint-Julien tout en puissance et harmonie, un Château Lagrange 2008, troisième Cru Classé.

Nous terminons par un instant gourmand, œuvre du chef pâtissier Anthony Chenoz. Effet de surprise et saveurs inattendues avec un dessert chocolat-banane, glace au Lapsang Souchong, un thé noir de Chine. La gourmandise arrive sous cloche enveloppée de volutes de fumées au Thé. Ce final ne déçoit pas entre croquant, onctuosité et puissance, un grand moment. Merci les chefs.

Je termine mon partage d’expérience par un mot sur l’équipe en salle toute en prévenance et discrétion. Je n’oublie pas l’excellent sommelier Arnaud le Saux en poste depuis 2013, capable de sublimer la cuisine du chef avec simplicité ou panache. Voici en clin d’œil, la sélection d’une table voisine, un assortiment des vins de la Maison Rothschild bien représentée dans la cave aux 1500 références de Cordeillan-Bages. La carte du jeune chef sommelier le classe parmi les finalistes du concours Tour des cartes 2017 et donne aux amateurs de grands vins une raison supplémentaire de faire halte chez les Cazes dans le seul Relais & Châteaux du Médoc.

Arnaud le Saux, Chef sommelier du restaurant Cordeillan-Bages

Château Cordeillan-Bages

  • Route des Châteaux à Pauillac
  • 05 56 59 24 24
  • Restaurant gastronomique, Hôtel 4 étoiles et lieu de séminaire
  • Toutes les informations sont sur le site du Relais et Châteaux
  • http://www.jmcazes.com/fr/chateau-cordeillan-bages/restaurant
  • Restaurant ouvert midi et soir du mercredi au dimanche
  • Menu déjeuner à partir de 45€ diner à partir de 90€

 

 

 

Entretien avec Julien lefebvre, chef de Cordeillan-Bages

Après Thierry Marx, le pionnier de la cuisine moléculaire et Le flamboyant Jean-Luc Rocha partis vers des destins parisiens, un normand, Julien Lefebvre, prend les commandes du restaurant gastronomique du Château Cordeillan-Bages. On sait peu de choses de ce nouveau chef sinon son parcours au sein de prestigieuses maisons tel le Pré Catelan*** ou la maison Pacaud avec Histoires** et le Divellec*. Pour le blog et en partage, voici quelques réponses à nos interrogations.

La cuisine et toi c’est une histoire qui débute comment ?

Tout simplement à la table familiale. A la maison, on cuisine. J’apprends très vite le goût du bon produit auquel nous avons facilement accès par la proximité avec les fermes de mes oncles et tantes. La suite, le choix d’en faire mon métier sera une histoire de rencontre, une opportunité de quitter le système scolaire classique qui ne m’attire pas particulièrement.

3 dates à retenir de ton parcours culinaire ?

  •        15 avril 2017 je signe ma première carte en tant que chef excutif au Château Cordeillan Bages
  •        25 mars 2016 je suis fier de servir le président de la République François Hollande dans le restaurant Histoires de Mathieu Pacaud à Paris
  •        28 février 2006 j’arrive au Pré-Catelan en tant que commis de cuisine. C’est mon premier poste dans un deux étoiles (trois aujourd’hui)

 Pourquoi avoir choisi Bordeaux ?

J’ai de l’affection pour l’endroit où je venais déjà en vacances chez des amis. La région me rappelle ma Normandie, le beau temps en plus.

Tes influences, ta source d’inspiration ?

Ma cuisine repose sur des bases classiques, sur les valeurs de la grande cuisine française.J’aime ses traditions et le cérémonial qui l’entoure que je veux remettre en salle. J’entends dynamiser le service par des découpes sur guéridon. J’aime l’art contemporain, il m’inspire pour mes présentations. Mon souhait serait d’allier les deux dans un juste équilibre entre le respect du passé et la recherche de la modernité.

 Tes fournisseurs, tes bonnes adresses produits ?

J’attache une extrême importance au choix de mes fournisseurs et à travailler au plus près du territoire. Nous avons dans le Médoc une vraie richesse à exploiter. Je citerai à titre d’exemple :

  •        Ludovic Hulot pour ses superbes asperges vertes et blanches, ses fraises,
  •       Cyril Gassian à Castelnau pour sa charcuterie médocaine,
  •        Elodie Aubert, productrice de céréales bio à Saint Vivien du Médoc

 Quelle est ton idée de la cuisine, ton envie quand tu te mets aux fourneaux ?

Je reprendrais bien à mon compte la phrase de Curkonski, célèbre critique culinaire du XIX siècle. La cuisine c’est quand les choses ont le goût de ce qu’elles sont. J’ambitionne d’être le trait d’union entre le producteur, le produit et le client. J’ai envie de servir le produit, de le présenter sous différents états sans multiplier les saveurs.

 Au contact des plus grands, es – tu devenu un chasseur d’étoiles ?

Si ma priorité reste la satisfaction des clients, je ferai tout pour regagner les deux étoiles de Cordeillan – Bages. Je suis arrivé avec mon second Julien Rousseau, un fidèle depuis huit ans. Nous allons former une team d’excellence avec l’équipe déjà en place au château dont le chef pâtissier Anthony Chenoz et le sommelier Arnaud le Saux. Ensemble nous nous mettrons la prestation au niveau dans la culture du détail.

Anthony Chenoz, chef pâtissier et le Chef Julien Lefebvre

 Les qualités que tu préfères chez un chef ?

Humilité, respect des autres et générosité

 Tes produits doudou ?

Sans discussion les légumes et les poissons dans le total respect de la saisonnalité. Nous sommes en plein dans les petits pois et les artichauts, des produits remarquables.

 Ton plat signature ?

En souvenir de mon enfance en Normandie, de la pêche à pied aux grandes marées, j’ai imaginé une déclinaison en trois séquences autour du coquillage. On commence par une gelée de crustacés présentée comme un retour de vague avec dans la laisse de mer des coques, crevettes de l’estuaire et des pousse-pied. On continue par un soufflé contemporain aux praires et parfumé au curry. On termine par un riz venere (riz noir autrefois réservé à l’empereur de chine) au marc de raisin, coques et fèves. Ce plat sera présent à la carte toute l’année mais évoluera avec les saisons.

 Un Plat pour faire craquer les filles ?

Le turbot confit avec un minestrone de légumes estival et son bouillon au basilic. Elegant, raffiné et léger et goûts

 

Une adresse pour aller diner les jours off ?

L’Arrosoir à Saint Palais sur mer près de Royan, une terrasse posée sur le plage, un Bistro tenu par Alexandre Lavigne un copain de longue date, lui aussi ancien du Pré Catelan.

 

Merci Chef